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  • Questions de genre dans les communications scientifiques
    Mabel Franzone et Orazio Maria Valastro (sous la direction de)

    M@gm@ vol.15 n.3 Septembre-Décembre 2017





    FEMMES ET SCIENCES : HISTOIRE ET CRITIQUE D'UN DÉTERMINISME ET D'UNE EXCLUSION « SCIENTIFIQUES »

    Guillaume Sallah Thomas

    guillaumesallah.thomas@gmail.com
    Master 2 Histoire des Sciences et des Techniques, Humanités Numériques et Médiation Culturelle, Université de Bretagne Occidentale de Brest.


    Christine de Pizan (Venise 1365 – Monastère de Poissy 1430 environ)
    Compendium des œuvres de Christine de Pizan, 1413. Produit dans son scriptorium à Paris.
    British Library . Harley 4431, f.259v.

    Introduction

     

    La question de la place des femmes dans la construction des sciences émerge dans les années 1970 en France, d'abord au sein des sciences sociales, à travers la problématique d'une écriture de l'histoire des femmes. Cette problématique s'inscrit dans un contexte de remise en cause des grands paradigmes explicatifs au sein des sciences humaines, tels le structuralisme et le marxisme, et est favorisée par l'augmentation de la présence des femmes dans les universités et à la naissance du Mouvement pour la Libération des Femmes. L'objectif de cette rupture paradigmatique est de questionner les catégories du sens commun comme étant établies « naturellement », en déconstruisant les concepts admis et en plaçant au centre des recherches le caractère historique. La prise en compte de l'historicité permet de critiquer les savoirs constitués en mettant en évidence les liens socio-culturels de l'activité scientifique et les contributions des autres acteurs autour de la figure savante principale (Perrot dans Gardey et Löwy, 2000).

     

    La critique féministe des sciences contribue ainsi à repenser l'image et les processus de l'activité scientifique, laquelle apparaît bien souvent comme une activité masculine, la présence des femmes ne se présentant que comme une exception. La critique féministe pense ainsi les rapports entre acteurs de la production des savoirs comme des rapports de domination : elle utilise les concepts de « classe de genre », de sexisme et de patriarcat pour déceler et analyser les biais sexistes à l'intérieur des sciences humaines. Cette problématique est illustrée notamment par la Commission Femmes dans la Recherche de 1981 :

     

    « Dans quelle mesure les femmes chercheurs voient ou non leur travail et leur carrière ralentis ou limités, voire certaines activités pratiquement interdites, du fait soit de leurs charges familiales, soit de discriminations dans l'accès aux moyens de travail, aux responsabilités ou aux promotions, soit d'une censure qu'elles exerceraient elles-même sur leur propre désir ou capacité de réussite et en fonction de quelle représentation de la réussite professionnelle. » (Peiffer in Gardey et Löwy, 2000).

     

    Il y a donc bien là la conception d'un rapport de domination entre un groupe ou une classe dominante qui écrirait l'histoire en s'autorisant à le faire et en se légitimant elle-même comme étant la seule à pouvoir le faire, et des « dominés » qui, de par leur statut, ne recevraient qu'une vision orientée et donc partielle de l'histoire, laquelle légitimerait et naturaliserait leur domination. Pour analyser et déconstruire cette idée de domination naturelle, plusieurs axes de recherches sont envisagés à travers la question de la représentation via les images, le langage et l'imaginaire, ainsi que la définition des notions de science et de nature. Il s'agit bien de critiquer les formalismes en tentant de comprendre comment l'imaginaire peut s'exprimer dans le « discours réglé des sciences » (Peiffer, dans Gardey et Löwy, 2000). 

     

    À l'intérieur de ce contexte de domination est développé le concept de genre. Celui-ci est définit par les féministes anglo-américaines au début des années 1970, comme la « signification de la masculinité et de la féminité que toute culture attache aux catégories de mâle et femelles » (Haraway, dans Löwy, 1995. pp 523-529). Cette définition met l'accent sur la construction sociale de la différence des sexes, et inscrit la domination entre hommes et femmes dans une dimension politique (Fox Keller, dans Gardey et Löwy. 2000). Catégorie sociale et non biologique, le genre est pensé comme un « élément constitutif des rapports sociaux fondé sur al différence entre les sexes » et « une façon première de signifier le pouvoir » (définition de Joan Scott, 1985).

     

    Les études sur le genre, ou  gender studies  s'intéressent donc à l'expression des effets du genre dans la société, à travers une approche pluridisciplinaire. Un des concepts qui prédomine au sein des gender studies est celui des « sphères séparées », développé par des anthropologues féministes dans les années 1975-1980. Ce concept part du principe que les sociétés humaines sont fondées sur une base sexuée opérant une division spatiale avec d'un côté une sphère publique qui serait réservée aux hommes, et de l'autre une sphère privée, réservée aux femmes. Cette analyse sociale par le prisme du genre se développe au sein du courent post-structuraliste qui se base sur l'analyse des discours, des représentations et de la construction des catégories sociales (Downs, in Maruani, 2005). Le concept de genre, qui se diffuse alors au sein des études sur l'histoire des femmes entre la seconde moitié des années 1980 et 2000, pose ainsi la problématique de la « dénaturalisation » de la différence des sexes et invite à analyser, notamment à travers le point de vue historique, la construction et l'évolution à la fois des rôles et des identités sexuées, ainsi que les systèmes de représentations définissant le masculin et le féminin.

     

    En posant les problématiques liées aux pratiques scientifiques comme l'historicisation du rôle du langage et des représentation culturelles (stéréotypes) dans le fonctionnement et la fabrication des sciences, la hiérarchie des pratiques et des disciplines scientifiques (avec les questions liées à la distinction entre « science » et « non science ») (Löwy. (1995)), les gender studies ont contribué à mettre en évidence les liens entre histoire des sciences et histoire sociale, autrement dit, le rôle de la société dans la fabrication des sciences. Travailler sur ces moyens d'expression dans le champ scientifique revient ainsi à s'interpeller sur le fait que les énoncés scientifiques se développent dans un contexte théorique et culturel particulier, et ainsi ne sont donc pas de fait porteurs d'une objectivité immuable et incontestable :

     

    « Scientists, in general, believe that their work is beyond cultural or social influence - that they are discovering, rather that inventing, Nature. This perception has permeated the general population such that it is difficult to convince people that science is not objective truth. Moreover, it is the self-proclaimed “objectivity” of science, along with its elitist, gendered and racist stance […] that create friction with social studies of science. Scientists should become aware of analyses of their disciplines based on class and race. Feminist analyses unveil the achievements and struggles of women scientists and offers suggestions for a science that is more inclusive. » (Crasnow, 2004, p281).

     

    Cette inclusivité a permis entre autre, de réinterroger la notion d'objectivité ainsi que celle de Nature. Le discours scientifique serait alors imprégné de la division en genres et véhiculerait des valeurs liées à la masculinité. C'est dans cette entreprise que se placent notamment les travaux de l'historienne des sciences américaine Evelyn Fox Keller. Celle-ci construit sur l'historicité des sciences exactes et naturelles une critique féministe des contenus de science par l'examen de la pensée et de la culture scientifiques, ainsi que l'ordre social et intellectuel, notamment dans son ouvrage Reflections on Gender and Science, (1978). Sa recherche porte ainsi sur l'origine, la fonction et les conséquences de l'adéquation entre pensée scientifique et masculinité. Selon elle, l'identité masculine de la science s'exprime à travers un langage sexiste, en véhiculant des valeurs de domination de la nature.

     

    Comment s'est construite cette identité masculine de l'activité scientifique ? Comment les représentations des catégories et valeurs du genre ont-elles opéré dans la production du discours scientifique ? Comment à été pensé le lien entre la différence des sexes et des genres et l'activité scientifique ? Comment le discours scientifique lui-même a-t-il construit des modèles de La femme et de L'homme basés sur l'idée de Nature ?

     

    Répondre à ces questions passe par l'historicisation des concepts de Nature et des natures de l'homme et de la femme, mais également des discours qui ont fait autorité dans les sciences et de leurs représentation. L'article présentera ici ces aspects dans le champ des sciences naturelles, bien qu'il faudrait évidement prendre en compte les sciences sociales. Il s'agira de confronter aux discours les points de vue féministes contemporains. Il sera également présenté les contextes socio-culturels et quelques figures de femmes savantes qui se sont confronté à ces questions, ce qui permettra de comprendre comment celles-ci se pensaient elles-même dans leurs activités et quelles ont pu être leur réaction face au discours dominant. Le point de vue historique permettra ainsi d'avoir un aperçu des constantes et des évolutions des modèles genrés et sexués.

     

    Nature et féminité : constances et ruptures

     

    Comment se définit et s'utilise le concept puis l'argument de nature ? Quels sont ses liens avec l'organisation de la société et les pratiques savantes ? Le passage d'un modèle de la Nature à un autre entraîne-t-il des changements dans la perception du monde et l'organisation sociale ? C'est ce qui sera traité ici, entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Les conceptions de la science moderne se basant historiquement sur la science grecque antique, il sera rappelé les définitions et conséquences du concept de Nature pour cette époque, et son utilisation aux XVIe et XVIIe siècles, où s'opère à la fois une redécouverte des auteurs antiques et leur contestation.

     

    La Nature féminisée

     

    La pensée grecque antique conçoit la Nature comme étant grammaticalement associée au sexe féminin et considérée comme un être vivant : comparée à un animal par Platon, dans Timée, elle se présente pour Cicéron comme un être vivant doué de sagesse puisqu'il produit lui-même des êtres de sagesse. Cette vision « organiciste », conçoit une « Nature-Femme » pourvue d'une âme, d'une intelligence, d'intentions et de finalité. Du latin natura, le mot « nature » se rattacherait à la racine nasci signifiant « faire naître », « croître ». Le terme se référant aussi aux organes féminins de la génération, aurait donné « nation », au sens de patrie, et donc d'origine, de lieu d'appartenance et de naissance de l'être humain : « Sa naissance [celle de l'homme] est en même temps ce qui lui donne la vie, et ce qui lui apporte […] une structure qu'il reçoit sans l'avoir voulue, une nature. […] Et comme la nation est l'ensemble des humains qui donnent la vie, ainsi la Nature est encore ce grand vivant par qui chaque être existe.[...] L'homme se repose sur la nature comme sur ses parents, d'où l'expression persistante de Natura mater» (Lenoble, 1969. pp 229-232). Cependant, si elle peut signifier la naissance, donc une certaine activité créatrice d'un monde ordonné, la Nature est aussi associée à la spontanéité voire même parfois à une anarchie des forces vitales. De plus, cette activité créatrice n'est pas admise par tous les philosophes. Ainsi Aristote considère la matière comme passive, parce que féminine. Celle-ci ne peut prendre forme, acquérir sa nature, que si elle est mise en présence d'une force masculine. Cette dualité activité/passivité est vue comme une complémentarité nécessaire et naturelle dans l'ordre du monde. Hiérarchisée dans ses éléments et dans ses corps matériels, la Nature « produit » une humanité hiérarchisée sur la même modèle.

     

    Ainsi l'ordre de a Cité repose sur le respect de la structure sociale, donc des statuts attribués à chaque individu selon leur nature, laquelle est la base de la Norme. Celle-ci conçoit les relations hommes-femmes comme étant fondées sur un partage inégal naturel des tâches et des savoirs. L'argument de ce partage inégal se trouve dans le corps lui même, parfaite illustration de l'ordre naturel. Prenant pour exemple le corps animal sur lequel est calqué le corps humain, Aristote apporte une conception binaire mâle/femelle sur laquelle se reflète la binarité homme/femme. Cette différence s'expose en terme de différence anatomique, de puissance et de capacité et se fonde sur la présence ou l'absence de l'organe viril mâle. Prenant l'exemple des eunuques, le philosophe indique que la perte de l'organe implique de fait le basculement d'un genre à l'autre, lequel s'accompagne d'un changement de capacité et de puissance : « l'être est mâle parce qu'il peut faire tel ou tel acte, et il est femelle parce qu'il ne peut pas le faire. » (Aristote, dans Pozzi, 2017. p 14). La figure masculine est prise en référence jusque dans les rapports sociaux. Le sexe anatomique construit le genre, en liant l'individu à des attributs, et donc par extension à des pratiques spécifiques.

     

    Cependant, si la femme est subordonnée à l'homme, l'activité humaine sur la Nature-Femme est parfois perçue comme une agression ou une atteinte à ce corps féminin. Ainsi Pline l'Ancien  voit dans le travail des miniers un acte de viol car ceux-ci , « par cupidité, pénètrent les entrailles de la Terre» (Thuillier, 1988 pp 84) se livrant ainsi à une sorte d' «agression biologique ». Il faut selon lui profiter des dons spontanément offerts par la Nature, non les lui arracher de force. Si, pour les Grecs, la science connaît les choses éternelles (substances, essences, mouvements nécessaires) et contemple la Nature telle qu'elle est, cherchant dans son ordre un modèle pour l'homme et une satisfaction esthétique de l'intelligence, les techniques (les arts), la manipulent directement. Elles n'engendrent pas une science certaine mais relèvent du domaine des probabilités et de l'opinion au moyen desquelles l'homme accomplit son « travail d'ouvrier ». Pour Cicéron, aucune technique humaine ne peut imiter la Nature. Ses principes ne gisent pas dans les alambics, on les découvre en raisonnant sur l'essence des choses (Lenoble, 1969. p 311).

     

    Cette conception antique d'une nature organique et féminine comprise à travers une science théorique philosophique persiste jusqu'à la Renaissance et se traduit par un certain mépris de la technique, celle-ci ramenant l'homme à une matérialité pouvant porter atteinte à la Natura mater.

     

    De l'organisme à la machine : la Nature et la Science

     

    La période de la Renaissance voit la redécouverte des auteurs grecs anciens en même temps que leur contestation. Pour la religion chrétienne, l'ordre est celui de la Nature qui est œuvre de Dieu, au centre de laquelle se trouve l'homme. Chaque être exprime sa nature selon un ordre, une intention et une finalité, suivant la doctrine de l'Âme du monde, héritée de la pensée grecque antique, avec laquelle une communion mystique est possible. Cette âme unique végète dans les plantes, sent chez les animaux et raisonne chez l'homme. Toute cette vie s'interprète et se comprend à travers une sorte de religion astrale et un panthéisme naturaliste. Cette « philosophie naturelle », adéquation entre les Écritures et la pensée grecque, se place comme seule référence du savoir, en prêtant à la Nature des forces occultes et où les réalités physiques sont perçues comme des symboles à décrypter à travers un prisme ésotérique.  Les choses s 'expliquent par leur fin, qui est, en contexte chrétien, le salut de l'homme.

     

    En même temps que grouille cette vie, une remise en question de la validité du savoir antique et biblique s'opère suite à la (re)découverte de nouveaux mondes et de leurs habitants, notamment l'Amérique. Avec la découverte de ces peuples, « plus près de la Nature», la chrétienté n'apparaît plus comme le seul monde civilisé. Il y a donc d'autres lois, d'autres raisons, une autre Nature. Face à ces vagues de questionnements et de recherche de certitude se développe une nouvelle pensée qui tente de retrouver ou de donner un sens à ce « prodigieux désordre » par la réduction de ce dernier au moyen de méthodes pratiques rationnelles. Par l'utilisation de la technique pour comprendre la Nature, la connaissance ne se définit plus comme une contemplation mais une utilisation pratique de la Nature.

     

    Cette philosophie dite « mécaniste » conçoit désormais la Nature comme une immense machine dont il faut connaître les mécanismes à l'aide de la science pratique. Perdant son organicité, sa finalité, sa vie, la Nature peut donc être maîtrisée par une science voulue comme universelle et basée sur l'ordre et la mesure, capable de reproduire la machinerie naturelle. L'homme est un ingénieur qui n'a plus à ménager en elle aucune valeur. Le monde est une machine, plantes et animaux sont des automates (Thuillier, 1997. pp 25-31).

     

    Le désenchantement du monde : la Nature exploitée

     

    Le philosophe des mathématiques Bertrand Russell critiquait en 1931 cette approche technique de la nature, provoquant, au XXe siècle une exploitation irréfléchie de ses ressources, et la destruction mutuelle des hommes. Dans son ouvrage The Scientific Outlook, il exprime sa peur d'un chaos mondial provoqué par une science liée à des intérêts de pouvoir et de domination. D'après lui, la cause de ce danger est le passage de la science de la contemplation (associée à un « love-knowledge ») à la manipulation (associée à un « power-knowledge »), opéré par la philosophie mécaniste au XVIIe siècle. L'historienne féministe Evelyn Fox Keller, se plaçant dans la réflexion de Russell, considère que le savoir grec (en se référant à Platon) était ce « love-knowledge » par lequel l'homme contemplait les essences des formes (Fox Keller, in Soble, 2003). Avec la montée de la philosophie mécaniste, l'objet de connaissance est passé des Formes au « monde physique féminin », la signification du monde a changée : le but de la connaissance n'est plus la communion, mais le pouvoir de domination en excluant ce qui avait trait à la féminité, à savoir l'aspect organique de la Nature, devenue machine. Cette philosophie de domination est, selon Russell, le produit d'un désenchantement, qui ne pouvait plus être objet d'amour de connaissance :

     

    « The poor physicists, appalled at the desert that their formulae had revealed, call upon God to give them comfort." But no God dwells in that universe" and the answer the physicists think they hear to their cry is only the frightened beating of their own hearts. [...] Disappointed as the lover of nature, the man of science is becoming its tyrant. [...]» (Russell in Soble, 2003).

     

    La Nature devient passive face à la Technique par laquelle l'homme cherche à la connaître et à la posséder. Ce combat de la technique peut s'illustrer dans la chasse aux sorcières, entre le XVe et le XVIIe siècle : « La science (en principe) allait être en mesure de tout prévoir ; et la Nature (en principe également) devait perdre tout mystère. Quel contraste avec l'univers propre aux sorcières ! [...] Comment faire des prévisions méthodiques si des femmes usant de pouvoirs irrationnels, se mettaient à susciter, hors de tout contrôle des phénomènes perturbateurs ?» (Thuillier, 1988. p 85)

     

    La féminité subversive : discours et représentations

     

    Ange ou démon : le genre chez les sorcières ?

     

    Pratiquant une « magie populaire », les sorcières possèdent le pouvoir d'agir sur le corps, (sur la nature des hommes) par des moyens symboliques ou par l'usage des plantes. D'extraction sociale humble, souvent analphabètes, guérisseuses ou prostituées, les sorcières se transmettent leur savoir oralement, savoir traditionnellement attribué aux femmes ; en opposition avec une « magie savante », effectuée par des intellectuels, moines et lettrés masculins, basée sur la philosophie naturelle de la Renaissance. Le lien établi entre femme et hérésie de sorcellerie transparaît à travers le Malleus maleficarum, ou Marteau des sorcières (1486). Cet ouvrage inspire les inquisiteurs du XVIe siècle pour construire une image diabolique de la femme. Les auteurs du Marteau des Sorcières, lui voit deux utilités : la procréation et le foyer. Cette dernière est, par sa nature rebelle et sa faiblesse, plus réceptive à la tentation démoniaque et au maléfice, bien que les bulles pontificales, qui donnent le pouvoir aux inquisiteurs, ne signalent pas que les femmes doivent être davantage soupçonnées que les hommes (Sallmann, in Duby et Perrot, 1991. p464). Une des raisons d'une telle association réside dans la volonté d'endiguer le prophétisme féminin, développé au début du XIVe siècle grâce aux ordres mendiants et à leurs tiers-ordres féminins, à l'intérieur desquels les femmes avaient revendiqué leur autonomie et leur liberté d'expression au sein de l'Église. La méfiance vis à vis de la spiritualité féminine s'appuie là encore sur la figure de la femme dépeinte comme plus sensible à l'illusion diabolique que l'homme, établissant ainsi son infériorité théologique (donc naturelle). L'abandon du crime de sorcellerie à la fin du XVIIe siècle ne revalorise pas l'image de la femme. Le médecin remplace l'inquisiteur, l'hérésie devient maladie et le mythe démonologique laisse place à l'hystérie. Victime de son imagination ou folle de son corps, la femme devient un être juridiquement incapable, à la responsabilité personnelle limitée (Sallmann, dans Duby et Perrot, 1991. p 467). 

     

    Pareille image se trouve également dans l'Alphabet de l'imperfection et du malice des femmes d' Olivier Jacques (1617). L'ouvrage se veut comme un guide salutaire destiné à révéler la part sombre et diabolique du monstre féminin...aux femmes précisément. En réalité, l'auteur dépeint à travers la figure de la femme au pouvoir (en l'occurrence Catherine de Médicis, à qui le livre est dédié au vu du frontispice) l'ensemble des femmes, comme des êtres (dont on peut se demander s'ils sont humains) rusés et fourbes, dont le corps fait peur, au comportement et à la pensée instables, manipulées par le démon. Cette image négative légitime l'exclusion des femmes des lieux où le pouvoir s'exerce, tels que la politique, l’Église et les lieux institutionnels du savoir tels les académies et les universités.

     

    Le paradoxe des allégories : ce que disent les frontispices...

     

    Paradoxalement, la femme est aussi l'allégorie du savoir. Ainsi les sept Arts Libéraux figurant sur le frontispice de la Margarita Philosophica de Gregor Reich (1504) sont représentés par des femmes, illustrant chacune une discipline dont elle brandie ou manipule les instruments. Il est intéressant de remarquer que l'allégorie centrale, femme à trois têtes brandissant d'un côté le livre de la Naturalis et de l'autre le sceptre de la Moralis, est elle-même couronnée de la Rationalis, qui sera pendant longtemps refusée aux femmes. La même représentation se retrouve deux siècles plus tard, sur le frontispice de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Le texte qui l'accompagne décrit l'iconographie d'une multitude de femmes représentées à la grecque, dans un temple lumineux, suivant une hiérarchie des disciplines. Dans ce « Sanctuaire de la Vérité », celle-ci apparaît auréolée de lumière, vêtue d'un voile que « la Raison et la Philosophie s'occupent l'une à lever, l'autre à arracher », pour que la Théologie, agenouillée, puisse recevoir « sa lumière d'en haut » (Diderot et D'Alembert, 1751).

     

    « Les femmes ont inventé tous les Arts qu'on appelle libéraux; [...]. C'est pour cela que toutes les sciences et les vertus ont des noms féminins » (Agrippa, 1509. p 67) disait le philosophe ésotériste Cornelius Agrippa qui en 1509 faisait paraître son ouvrage De l'excellence et de la supériorité de la femme, dans lequel il rappelait qu'il y avait « des preuves certaines de l'excellence de la Femme au dessus de l'Homme » (Agrippa, 1509. p 3). Parmi ces preuves, l'auteur argumente sur la non-différence « sexuée » des âmes. Dans la hiérarchie de la création des êtres, la femme, arrivant en dernier, vient littéralement couronner la Création, devenant le « chef d’œuvre de l'ouvrage de Dieu ». Agrippa va même jusqu'à rejeter le péché originel imputé à Ève pour ne l'attribuer qu'à Adam. L'argumentaire est appuyé de personnages historiques et légendaires qui, selon Agrippa, ont eu leur place en politique, en philosophie, en théologie et en sciences. Il conclut que la situation de la femme est due à la tyrannie masculine, tyrannie contre nature causée par la manipulation des textes religieux, ainsi qu'une éducation qui les éloigne des fonctions sociales et de leur liberté en les confinant dans les tâches du foyer.

     

    La femme, si elle est allégorie du savoir, n'est pas autorisé à le produire. Elle n'apparaît que comme le symbole de la muse antique et non comme savante à part entière. Une telle image est remarquablement mise en évidence dans l'iconographie de l’École d'Athènes (réalisée entre 1508 et 1512) du peintre Raphaël. Les seules figures féminines sont les statues des muses, figées dans leur posture, en contraste avec l'activité foisonnante qui semble se dégager de la multitude des grandes figures savantes antiques, toutes masculines.

     

    Le médecin, le prêtre et le philosophe : la femme théorisée ou l'infériorité naturelle

     

    L'homme inversé : la référence masculine

     

    La question du sexe en tant que critère de la différenciation des genres masculin et féminin, soulevée par Aristote, est analysée par Thomas Laqueur dans son ouvrage La fabrique du sexe où il expose ses réflexions à propos de la fixité des représentations et des définitions du « sexe biologique ». Ses recherches s'inscrivent dans les travaux pluridisciplinaires de féministes britanniques et américaines militantes, dont investigations visent à construire une analyse critique de la production contemporaine des sciences et le rôle qu'elles jouent dans les sociétés occidentales actuelles, notamment les processus par lesquels les observations et les comportements sont transformés en phénomènes naturels par les scientifiques (Gardey, 2006. pp 649-673).

     

    Pour Laqueur, les deux « schémas » de l'anatomie sexuelle humaine au sein des sciences biologiques seraient fondées sur des facteurs non scientifiques, mais culturels. Sa réflexion part du principe qu'il y aurait au départ, depuis la pensée grecque ancienne, un modèle « mono sexuel » (« one-sex model ») se référant au corps masculin, le modèle « bi sexuel » (« two-sex model ») n'apparaissant qu'à partir du XVIIIe siècle. Selon ce modèle, la femme est vue comme un « homme inversé » du fait de la similitude de ses organes génitaux par rapport à ceux des hommes. D'ailleurs, le même vocabulaire est utilisé pour décrire l'anatomie des deux sexes : «In the one-sex model, the vagina was just a penis projecting inward, a penis turned inside out, end the uterus was (seen as) an internal scrotum. » (Soble, 2003). Cette similitude, développée par le médecin grec Galien est érigée en paradigme jusqu'au  XVIIIe siècle. Ainsi peut-on lire le médecin du XVIe siècle Philippe de Flesselles, qui sous l'autorité galénique écrit, dans son Introductoire de chirurgie rationnelle (1547), « la différence de sexe n'est que difference accidentale », négligeant ainsi la description anatomique féminine (Duby et Perrot, 1991. p 361).

     

    Version inverse et nécessaire de l'homme, la femme lui est subordonnée de par sa condition anatomique naturelle, rattachée à la notion de « sexe biologique » par Laqueur, définissant ainsi de façon strictement dichotomique, à la fois le genre et la fonction occupée dans la société. Le « sexe biologique » apparaît donc comme une construction d'abord sociale et culturelle, utilisée pour valoriser et maintenir le masculin comme référence civilisationnelle et existentielle d'un ordre social androcentré. (Laqueur, dans Soble, 2003). Le genre préexiste donc au corps et s'illustre par le sexe. La notion d'inversion mise en évidence par l'autorité galénique se traduit par un dysfonctionnement du corps féminin (le corps masculin fonctionnant parfaitement), qui s'exprime principalement à travers le flux menstruel. Des médecins comme Ambroise Paré, y voient un écoulement provoqué par l'humidité et la froideur du corps féminin qui ne peut transformer toute la nourriture en sang utile. Immergée dans sa froide humidité, la femme n'a que peu d'esprit comparée à l'homme (qui lui, est courageux, efficace, mesuré et juste), et ne peut/doit donc pas s'adonner aux lettres et aux sciences.

     

    Une erreur de la nature ?

     

    L'imperfection des femmes, à la fois sur le plan intellectuel, physique et moral mène tout de même les médecins à se demander si elle n'est pas une erreur de la Nature. Soutenir une telle affirmation relèverait pour certains de l'hérésie car Dieu aurait créé comme compagne de l'homme un être imparfait et débile. Cela remettrait en cause la philosophie naturelle et finaliste selon laquelle « Nature ne fait rien en vain ». Cela implique donc de ne plus considérer la femme comme une version « défectueuse » de l'homme mais comme un être achevé. Paradoxe notoire car tout au long des siècles suivants, de telles conceptions persistent et contribuent à renforcer l'image de la femme incomplète physiquement et intellectuellement. Cette contestation de l'autorité galénique ne se fait pas sans réserves, comme en témoignent les titres d'ouvrages sur le sujet, formulés en « questions » et « controverses ». La description de l'anatomie féminine, externe et interne, négligée jusqu'ici, conteste l'idée qu'elle est une mauvaise conception de la Nature. La matrice devient La caractéristique ontologique de La Femme. Placée à l'intérieur du corps, reliée au flux sanguin, elle devient l'organe de la féminité par excellence, aussi bien sur le plan moral, physique et intellectuel.

     

    La femme-sexe, ou le diktat de l'utérus

     

    La femme est désormais considérée comme un être à part entière. Ces imperfections ne sont plus dues à son statut d'homme inversé, mais résultent de l'organe dépositaire de l'identité féminine qu'est la matrice. La sensibilité de l'utérus en fait un viscère autonome et incontrôlable, à la source de l'hystérie. Cette maladie, exclusivement féminine, est vue comme le résultat d'une rétention et d'une corruption de la matière, provoquant des « vapeurs vénéneuses » qui remontent jusqu'au cerveau et troublent ainsi l'entièreté du corps. Les médecins voient comme solution à cette « fureur utérine » le mariage, ce qui légitime une fois de plus la sujétion et la dépendance de la femme à l'homme en établissant un système de valeurs proprement féminines : destinée à la procréation, de par sa matrice, la femme trouve son accomplissement dans l'accouplement avec l'homme.

     

    D'ailleurs, l'Encyclopédie qualifie la femme de « Sexe » délimitant ainsi son identité, sa fonction et ses attributs (Article « SEXE », dans Diderot et D'Alembert, 1751. tome 15, p 138). Inférieure à l'homme en force, la femme lui est cependant supérieure en « agrémens ». Plus sensible car plus faible, la femme a un esprit faux, difficilement compatible avec la justesse et la vérité, ainsi que le démontre logiquement l'Encyclopédie.(Article « FEMME », dans Diderot et D'Alembert, 1751. tome 6, pp 468-481)

     

    Le médecin Pierre Roussel « Lafemme n'est pas femme seulement par un endroit mais par toutes les faces par lesquelles elle peut être envisagée ». Son ouvrage, au titre éloquent, le Système physique et moral de la femme (1775) présente la femme comme un être naturellement délicat et passif, du fait de la constitution molle de ses organes. De cette maigre consistance organique, se conçoit aisément (naturellement pouvons nous dire) un intellect simpliste, inapte à la réflexion abstraite et aux « efforts de cette contention d'esprit qui est nécessaire à l'étude des sciences abstraites, même pour s'y égarer ». Dominée par ses sentiments, qui font qu'elle se dévoue naturellement à ses devoirs domestiques, la femme ne saurait « beaucoup raisonner ni longtemps réfléchir » dit l'Encyclopédie médicale Panckoucke (dans Kniebielher, 1976. pp. 41-55). Ainsi, hors du cadre domestique et marital, comment pourrait-elle s'adonner aux sciences et à la réflexion philosophique ? C'est ce qui surprend les hommes lorsque des femmes bravent les interdits et prouvent leur capacité intellectuelle. Admirées ou vivement critiquées, elles apparaissent comme de véritables exceptions, des êtres chimériques du fait de la « virilisation » de leur activité savante.

     

    Comment sont perçues ces femmes ? Dans quels lieux peuvent-elles s'exprimer ? Comment se pose la question de la légitimité et comment elles-mêmes se perçoivent dans leur activité savante ?

     

    Le savoir dans les salons, ou la science à l'usage des Dames

     

    Avec le développement des cabinets de curiosité au XVIe siècle, le savoir s'installe chez les nobles. La science devient une «mode» et il est de bon ton d'avoir, dans son cabinet, un savant chargé de l'ordonner et surtout de l'animer (Reichvarg, 2005). Une véritable «culture scientifique» se développe et s'adresse aussi bien aux hommes qu'aux femmes. Le salon remplace l'Académie et l'Université en devenant un lieu d'échanges, de rencontres, ou les thèmes littéraires, politiques et scientifiques sont débattus. Souvent sous la direction d'une femme ayant reçu une solide éducation, en général la maîtresse de maison, ces lieux mixtes sont des espaces où ces dernières participent aux débats et sont reconnues comme «femmes d’esprit», «femmes savantes», «précieuses» et même «libertines» (Haase-Dubosc, 2001. pp 43-67). Une littérature savante, qui prend son essor aux XVIIe et XVIIIe siècle, leur est entièrement consacrée, et bien souvent celles-ci y prennent part comme auteurs.

     

    Cela a de quoi surprendre les hommes comme on le voit chez Fontenelle, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences qui, au début de ses Entretiens sur la pluralité des mondes(1686), s'étonne que son interlocutrice éprouve un intérêt pour les sciences et soit capable d'en discuter.(Reichvarg et Jacques,1991) Même réaction pour  l'ingénieur Mointel d'Elément qui justifie la dédicace de son ouvrage sur la Manière de rendre l'air visible aux Dames (1719), comme l'expérience d'une rencontre étonnante entre un maître et des élèves qui en savent déjà beaucoup. Pour l'ingénieur, les femmes sont aussi bien capables que les hommes de comprendre et de raisonner dans les disciplines scientifiques.

     

    D'autres cependant y voient une dérive morale, toujours au nom des valeurs et qualités féminines, avec en tête, toujours la très-chère pudeur. Cela n'empêchera cependant pas certaines femmes d'avoir leur propre cabinet d'histoire naturelle, de dispenser leurs propres cours, et d'être reconnues, mais aussi critiquées (parfois violemment) pour leur activité savante.

     

    La question de la reconnaissance : de la critique à l'auto-censure

     

    Cet engouement pour la sciences, ainsi que la participation des femmes n'est pas sans susciter quelques réticences. L'essor de la littérature savante, si elle permet aux femmes de s'exprimer, les exposent à la critiques de leur(e)s paires. Sortant du cadre admis de la femme naturellement impropre à la réflexion et au savoir, elles sont suspectes de virilité outrancière, de petite vertu ou d'impostures. Un exemple rassemblant ces accusations est celui d'Émilie du Châtelet.

     

    Née dans une famille noble, Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, (1706-1749) reçoit  une éducation en lettres, en philosophie et en langues. Fréquentant les grandes personnalités savantes de son époque, elle acquiert une solide culture scientifique. Elle publie ainsi une Dissertation sur la nature et la propagation du feu (1739) et ses Institutions de Physique en 1740, lesquels ouvrages la couvrent d'éloges. Se liant avec Voltaire en 1733, elle participe avec lui à la traduction et à la diffusion des travaux de Newton en France, en publiant la traduction des Principia en français (1766). Si ces travaux lui valent la reconnaissance des savants à travers l'Europe, si bien qu'elle est admise à l'Académie des Sciences de Bologne en 1746, Émilie du Châtelet s'expose également à la critique parfois caustique d'hommes et de femmes. Sa liaison avec Voltaire est visée, ainsi que son activité savante et ses ouvrages, dont certains doutent qu'ils soient d'elle. D'autres voient dans sa pratique savante une perte de ses qualités féminines pour une virilité non dissimulée. En novembre 1749, ce n'est pas un détracteur mais une détractrice, l'épistolière Madame du Deffand, qui fait circuler un portrait diffamant d’Émilie du Châtelet, morte en couche deux mois plus tôt. Décrivant un corps déformé, dénué de toute qualité féminine, exacerbant une virilité défigurante, ce portrait contre nature laisse des soupçons quant aux capacités intellectuelles de la marquise. Son goût pour les sciences apparaît comme un désir prétentieux de paraître originale et singulière, ce qui fait d'elle une femme arrogante et pédante de surcroît.

     

    L'activité savante des femmes fascine car elle rend compte de la capacité du « Beau Sexe » à faire des sciences au même titre que les hommes, à l'opposé de préjugés d'inaptitude naturelle confortés par les devoirs du ménage et de la famille ; et choque car la science, activité masculine, « virilise » ses pratiquantes et les détournent de leurs occupations naturelles liées à leur féminité. La femme savante apparaît comme une inquiétante étrangeté, une chimère dont l'exemple n'est pas à suivre car contre nature. Conscientes de cette limite de leur liberté d'expression, certaines femmes s'autocensurent. Ainsi, si Madeleine de Scudéry encourage les femmes dans leurs activités intellectuelles, dans le même temps, elle leur conseille de le faire discrètement sans contrevenir au modèle des qualités attribuées spécifiquement au sexe féminin. D'ailleurs la plupart des femmes savantes publient anonymement ou sous un nom masculin. Celles qui publient en leur nom revendiquent leur activité savante. Ainsi Marie Meurdrac fait part, dans sa Chymie charitable et facile en faveur des dames (1674), d'abord de son hésitation à écrire son ouvrage, craignant que cela ne contrevienne à son éducation et sachant comment une telle entreprise serait vue par les hommes :

     

    « je m'objectois à moy-mesme que ce n'estoit pas la profession d'une femme d'enseigner, qu'elle doit demeurer dans le silence, écouter et apprendre, sans témoigner qu'elle sçait : qu'il est au dessus d'elle de donner un Ouvrage au public et que, la réputation n'est pas d'ordinaire avantageuse, puisque les hommes méprisent & blasment toujours les productions qui partent de l'esprit d'une femme.» (Meurdrac, 1674. Avant-propos).

     

    Se plaçant à la suite de femmes savantes, et, reprenant la thèse d'Agrippa selon laquelle « les Esprits n'ont point de sexe », elle revendique une éducation commune aux hommes et aux femmes. La question de l'éducation scientifique (et générale) des femmes fera l'objet de débats aux XVIIe et XVIIIe siècles. Pour certains, elle modifie la nature féminine et déstabilise ainsi l'ordre établit. Pour d'autres elle doit exprimer la nature de l'individu (dichotomique pour certains, unique pour d'autres). C'est dans ce cadre qu'est pensée la différence des sexes.

     

    Penser la différence des sexes : quelle éducation pour les femmes ?

     

    La question des a priori et des préjugés est essentielle ici et c'est par elle que sont abordés ces réflexions. Un tel exemple s'illustre dans De l’Égalité des Deux Sexes, paru en 1673, au sous titre non moins éloquent « Discours Physique & Moral où l'on voit l'importance de se défaire des préjugez ». L'auteur, François Poullain de La Barre, philosophe cartésien, annonce dès sa préface la délicatesse du sujet. Les préjugés sont pour lui sont un frein à la « connaissance claire et distincte ». Le plus grand d'entre eux est celui qui porte sur l'inégalité de sexes, touchant aussi bien les hommes que les femmes elles-mêmes. En bon cartésien, Poullain de La Barre entend démontrer le contraire en mettant à bas les arguments savants et populaires. Contre le « Vulgaire », l'auteur explique que la connaissance de celui-ci repose sur la « Coûtume ». La contestation consiste à montrer comment l'exclusion des femmes des domaines savants s'est opérée. Quand au « Sçavant », l'auteur entend démontrer que les défauts dont on affuble les femmes proviennent de l'éducation qu'on leur donne. Il montre ainsi les liens entre les « coûtumes » populaires et le discours des savants : les premières s'appuient sur le second et le tiennent pour vrai, l'idée de vérité étant attachée à la figure du savant. Selon Poulain de la Barre, les savants raisonnent en hommes, selon le point de vue masculin, et ainsi légitiment l'asservissement des femmes, en utilisant l'argument naturel pour expliquer ce que la coutume institue. Coutume et Nature sont donc confondues. L'auteur combat cette confusion érigée en vérité en insistant sur le fait que même la Tradition, aussi ancienne soit-elle, doit être remise en cause. La Nature n'impose aucune servitude, et son ordre instaure l'égalité entre les hommes. La différence des sexe n'est alors existante qu'au regard du Corps et non de l'Esprit. Ce dernier n'a pas de sexe et est le même chez l'homme comme chez la femme. L'argument métaphysique et renforcé par l'argument anatomique selon lequel « la teste, qui est l'unique organe des sciences, & où l'Esprit fait toutes les fonctions » est identique chez les deux sexes. De ce fait, les femmes sont pourvues des mêmes sens, et donc sont capables des mêmes activités, bien que leurs organes soient plus délicats.

     

    Devant cet argumentaire prônant l'égalité des sexes au motif d'un Esprit commun à l'homme et à la femme, il est à noter que, même si les Esprits n'ont point de sexes, le système des valeurs et qualités féminines et masculines persiste et est à la base même du discours sur l'égalité des sexes. Les femmes auraient un tempérament plus délicat, que l'étude rapprocherait de celui des hommes. Les auteurs s'appuient sue ce postulat, non sans priver les femmes d'une éducation scientifique avant que « les devoirs et engagemens de leur destination puisse avoir lieu ». Il s'agit donc bien de produire des épouses savantes. L'éducation des femmes s'élabore ainsi dans le cadre défini de l'avenir social féminin.

     

    La « naturalisation » des qualités féminines sert également d'arguments aux opposants de l'éducation savante des femmes. Celle-ci doit strictement se limiter aux tâches domestiques. C'est l'avis de l'archevêque Fénelon, qui dans De l'éducation des filles (1687) indique que si l'instruction des femmes a été négligée, elles ne peuvent accéder à autre chose qu'à ce qui est relatif à leurs devoirs, car elles ne sont pas aptes aux sciences. Cette inaptitude est brandie comme étant naturelle, du fait que leur corps et surtout leur esprit sont plus faibles que celui de l'homme. Dotées d'une « imagination errante », elles ne peuvent avoir une activité égale à celle de l'homme. Fénelon avertit « qu'il faut craindre de faire des savantes ridicules » (Fénelon, 1687, dans Giulia, 2014. p 29) avant de dresser un portrait qui selon lui correspond à celui de la femme bien éduquée, c'est à dire strictement circonscrite dans le foyer, faisant usage d'un pudique silence et de propos réduits au stricte nécessaire. Toute autre activité est bannie. Cette conformité des sexes et des activités est mise clairement en évidence par Rousseau qui en fait un projet éducatif. Celui-ci, substitue à Dieu une Nature qui devient la référence morale et juridique structurant les rapport sociaux. Là encore, l'argument physique anatomique fonde le raisonnement selon lequel la Nature dicte nécessairement une éducation différente aux filles et aux garçons car « l'Être Suprême » ne les a pas constitués de la même façon. Rejetant explicitement l'égalité des sexes, Rousseau valide la totale dépendance de la femme à l'homme, par la loi même de la Nature, qui, selon lui fait que les filles naissent avec l'amour de l'aiguille et de la parure et le dédain de la lecture (Rousseau, 1762, dans Giulia, 2014. p 40).

     

    Des sciences genrées ?

     

    L'exclusion des femmes des lieux de savoir conduit à la conclusion que la science s'est maintenue pendant longtemps comme une pratique masculine. Celle-ci se serait alors définie comme une pratique de domination de la nature, capable de refléter objectivement la réalité et ainsi de proposer une vision du monde imprégnée de valeurs masculines comme la hiérarchie, le pouvoir ou l'agressivité. C'est ce qui ressort des études féministes qui se sont intéressées au langage des sciences décrivant les processus et les corps biologiques. Selon elles, ces valeurs sont recherchées inconsciemment ou non dans le fonctionnement du vivant et s'opposent à des valeurs féminines comme la spontanéité ou l'anarchie. Ainsi par exemple, l'affrontement des théories séministes et ovistes, aux XVIIe et XVIIIe siècles a longtemps posé la question de l'activité des gamètes mâles et femelles. L'anthropologue Emily Martin soulève ce questionnement dans sa publication The egg and the sperm(1991) en rappelant que jusqu'aux années 1990, c'est le spermatozoïde qui a reçu la palme de l'activité. Les textes scientifiques le décrivent comme « actif », « puissant » et « autonome », en opposition opposition de l'ovocyte « transportée » (donc passive) pour « être assaillie » et « pénétrée » par la spermatozoïde (Fox Keller, in Gardey et Löwy, 2000).  Le langage passif colle aux qualités attribuées aux femmes, et inversement. Fox Keller précise que les détails techniques qui argumentaient cette vision ont été si cohérents qu'aucune recherche ne s'est faite sur la possibilité de mouvement de l'ovocyte. Cela montre ainsi comment la représentation du genre affecte l'imagination scientifique elle-même, au point d'empêcher les biologistes d'envisager une activité de l'ovocyte. Aujourd'hui, la fécondation est présentée comme une rencontre de « partenaires mutuellement actifs ».

     

    S'il s'agit ici des effets du langage sur les sciences, les chercheuses féministes soulignent que les métaphores ne s'arrêtent pas à la description des faits, mais se placent dans la dynamique d'établissement de la Norme. Un tel exemple est soulignée par la sociologue néerlandaise Nelly Oudshoorn qui a montré comment les hormones se sont vu attribuer un rôle dans la détermination sexuée. Si, entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle se développe l'hypothèse selon laquelle les hormones sexuelles ne sont produites que par leur sexe respectifs, les biochimistes du début des années 1930 constatent en effet la présence d'hormones femelles dans l'urine d'hommes en bonne santé et « normaux ». La même chose se constate chez les chevaux. Ces observations, qui bousculent le modèle établit des hormones réparties selon leur sexe, conduit les biochimistes à envisager que ces hommes chez qui l'on découvre des hormones femelles sont des « hermaphrodites ou homosexuels latents ». c'est dans les années 1940 que progressivement s'installe la conviction que la production des hormones mâles et femelles n'est pas strictement limitée à un sexe dans Gardey, 2006 ; pp 662-663).

     

    Pour Fox Keller, c'est là la preuve d'un langage scientifique véhiculant des valeurs sexistes. Le courant feminist epistemology auquel elle se rattache prône d'ailleurs une autre science, qui serai plus en adéquation avec des valeurs féminines. Cette optique d'une science féministe/féminine se base pourtant sur le même essentialisme qui a contribuer à exclure les femmes des sciences. De plus, il apparaît difficile de concevoir l'activité scientifique sans les démarches analytiques, la logique, le quantitatif, etc, présentés comme étant masculines, dans les méthodes scientifiques. L'idée même d'une science féminine serait alors un retour en force de la naturalisation des différences culturelles entre masculin et féminin, dénoncées par beaucoup de chercheurs et chercheuses, (JACK, 2013) dont l’historienne des sciences Londa Schiebinger. Dans son ouvrage Has Feminism Changed Science ? (1999) elle montre que l’essentialisme véhiculé par le courant « Different Feminism » maintient une inégalité entre hommes et femmes scientifiques : 

     

    « Sociological and anthropological studies of contemporary science suggest that even today many scientists expect a successful scientist to be agressively competitive ; modesty, a stereotypically feminine virtue, does not add to the credibility of the scientists. To admit that gendered notions of intellectual virtue or styles of interaction put men and women into unequal position is not to imply that gender diffrences in behaviour are inevitable or desirable, Schniebinger argues » (Rollin, 2004. p 293).

     

    Genre, objectivité et connaissances situées

     

    Plutôt que de raisonner en terme de dichotomie spécifique des pratiques scientifiques, d'autres chercheuses féministes développent l'idée de l'interprétation des phénomènes qui peut se faire le point de vue de valeurs scientifiques. Ce dernier est dit « situé » et s'oppose à la conception d'un point de vue « de nulle part », naturellement objectif et désincarné. Pour Donna Haraway, le fait d'être conscient du caractère situé du travail intellectuel est en quelque sorte une garantie d'objectivité. (Löwy, dans Gardey et Löwy, 2000. pp 137-150) Le point de vue situé permettrait alors d'avoir une meilleur vue d'ensemble car il se sait limité. Il est alors possible de mieux apprendre à partir du point de vue marginal et multiple que du point de vue qui se veut désincarné et surplombant. Ainsi l'accès élargi des femmes à la recherche et l'influence du féminisme ont modifié la perception scientifique du naturel mâle et femelle.

     

    En effet les études de genre prennent naissance à partir d'un mouvement social focalisé sur les problèmes de domination et d'exclusion, qu'est le féminisme. Or, de tels mouvements sont issus de groupes considérés comme dominés et/ou marginaux. D'ailleurs dans certains pays (mais également à l'intérieur de certains discours scientifiques), la situation des femmes a été comparée à celle des peuples colonisés. (Löwy, dans Gardey et Löwy, 2000, p 142) Les mouvements et les points de vue de ces groupes marginaux posent ainsi la question de la définition de l'universel et l'inclusion dans sa définition du point de vue des dominés. Deux perceptions sont possibles entre ceux-ci et l'accès à l'universel. L'une conduit à l'assimilation du dominé par le dominant : le dominé doit rejeter son identité d'origine. Ainsi une femme qui veut devenir « homme de science » doit à la fois penser comme un homme et assimiler ses codes, et en même temps rejeter sa féminité, qui ne la légitime pas à faire des  sciences. Même chose pour les « racisés », notamment dans le milieu académique.

     

    L'autre perspective consiste à historiciser la situation de domination, ce qui permet de ne plus la concevoir comme fixe et immuable mais inscrite dans une dynamique de domination. Dans ce contexte, la question des sciences coloniales est pertinente car elle témoigne de ce processus de domination et de définition de la science et de ses « praticiens ». En effet, notre vision commune de la science moderne occidentale européenne comme un savoir universe a été largement façonnée par une historiographie, privilégiant le savoir écrit aux pratiques matérielles :

     

    « la distinction entre le savoir scientifique et d’autres types de savoir a été historiquement reflétée dans la distribution sociale entre ceux qui pratiquent un travail intellectuel et ceux qui pratiquent un travail physique, et, au moins depuis le XVIIIe siècle, dans une distinction culturelle entre des terres ayant une science moderne (pour la plupart en Europe occidentale) et celles n’en ayant pas (c’est à dire le reste du monde) » (Daston, dans Pestre (dir.) 2015).

     

    Cette distinction culturelle a comme soubassement la race qui institue, légitime et autorise des rapports de domination entre des « échelons » supérieurs et inférieurs, notamment par l'argument naturel, fondé sur les corps. (Voir Boëtsch, dans Blanchard, Lemaire et Blancel (dir.), 2008)

     

    L'utilisation d'un tel argument présuppose qu'il n'existe qu'une seule science dont l'universalité découlerait de fait des propriétés de son objet d'étude, à savoir la nature : si la nature est universelle, alors la science est universelle. Or des études questionnent cette universalité en se penchant sur la manière dont l'universel est « fabriqué » par les scientifiques, à travers la diffusion des idées, des instruments et des pratiques. Les groupes de pensée marginalisés ont ainsi contesté l'existence d'un point de vue unique sur l'histoire, la société et les sciences. Les pratiques scientifiques ne peuvent être conçues comme homogènes et menées par des agents neutres et interchangeables qui auraient sur leur objet d'étude un « point de vue de nulle part ». L'étude des pratiques scientifiques permet donc de mettre en évidence la matérialité et l'historicité de la production du savoir, chaque fait portant l'empreinte à la fois de la communauté qui l'a produit, et des savoirs tenus pour acquis par cette communauté.

     

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    URL : https://www.youtube.com/watch?v=ID0V-12Dp6E

     

    Atelier : La science est-elle sexuée ? Journée George Bram-2013. Femmes et sciences. Catherine VIDAL (Institut Pasteur), Annick JACK (Université Paris-Sud), Hélène GISPERT (Université Paris-Sud), Michèle LE DOEUFF. École Normale Supérieure 11 janvier 2013

    URL : https://www.youtube.com/watch?v=M6J1zcoi1g8

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