De la sérénité : une approche transdisciplinaire
Ana Maria Peçanha (sous la direction de)
M@gm@ vol.14 n.2 Mai-Août 2016
LA SÉRÉNITÉ OU … ÊTRE SEREIN ?
Bernard Troude
bernard.troude@gmail.com
Chercheur en neurosciences et sciences cognitives - Chercheur en sciences des fins de vie (inscrit à “Espace éthique Ile-de-France” Université Paris-Sud) - Laboratoire LEM: Laboratoire d’Éthique Médicale et de Médecine légale: EA 4569 Descartes Paris V. Chercheur en sociologie compréhensive - C E A Q: Centre d’étude sur l’Actuel et le Quotidien (UFR Sciences Sociales ) Descartes Paris V. Professeur en sciences de l'art (Tunisie & Maroc). Professeur en sciences du Design et Esthétique industrielle.
Aquarelle : Printemps (Ana Maria Peçanha) |
Être serein ? Qu’en est-il de cette différence apparente dans le mot ?
La sensation d’être et de posséder cet état, ce comportement sans heurt, ne peut se concevoir que dans un système vertical de pensée, d’attente et de réception d’une « inondation » de l’esprit où le corps paraît y être étranger. Cette sensation de bien-être vous emplit le corps alors que vos esprits sont en alerte de la moindre parcelle neurologique de pondération et j’oserai dire d’une recherche de volupté.
Les effets incroyables constatés et l’abondance considérable de données en sciences humaines et neurosciences réunies m’ont maintes fois guidé tout naturellement à me solliciter sur le concept de sérénité qui configure le fil de mon écrit. Puis-je comprendre qu’une force située à l’extérieur de nous-mêmes peut nous faire ressentir un état hédoniste. Question : « Que se passerait-il si les gens commençaient à croire en eux-mêmes plutôt qu’en quelque chose d’extérieur à eux ? » [1].
Cependant, la sérénité doit se comprendre par une autre conception importante: celle de la temporalité. Il faut du temps pour percevoir un espace de sérénité. Il faut du temps pour que l’esprit gagne sur le corps et procure sa transmutation dans ce Cosmos qui est la sérénité.
« Les gens qui voyagent acquièrent une forme de beauté des plus fragiles.
Durant quelques heures ils se changent en quelque chose de singulier,
Et ils vivent avec une grande acuité ;
Ils découvrent d’étranges sentiments
Qu’ils ne soupçonnaient pas que l’on pouvait nourrir,
Et ils se promènent comme tout heureux. »
Miguel Maldonado [2]
Trouver son espace de sérénité, sans doute est-ce chose difficile ; car, si nous devons éviter les obstacles du verbe pondéré que nous percevons d’une façon particulière et personnelle, il est tentant de se conformer à une exégèse de l’instant probablement réductrice parce que récapitulative et surtout faussée par le fait que nous en parlerions comme si nous étions l’auteur exclusif, sans toutefois pouvoir problématiser. La difficulté est qu’à partir de l’expérience singulière comment pourrions-nous déjouer les pièges de l’autobiographie formant notre histoire passée (si toutefois notre « petite » histoire puisse avoir de l’intérêt à être conservée dans nos différentes mémoires). L’inclination à nous baigner dans cette volupté de nos autobiographies nous fera accepter les phénoménologies connues de ce fait sédatives. Ce mélange fournit à nos cerveaux des possibilités innombrables de connexions et fonde que l’autobiographie peut gagner son statut de théorique dès lors que ce qui est pensé va procurer l’espace rassurant, justement parce que la « petite » histoire va toucher au réel, l’autre référence des vécus personnels.
L’autre façon d’objectiver (de construire) notre espace de sérénité, c’est de questionner en le soumettant à un certain éclairage qui permet une prise de recul favorisant les comparaisons avec des attitudes méditatives, des conditionnements comportementaux tout en démystifiant le fonctionnement cérébral et psychologique. Nous devons nous convaincre que ce qui semble imaginaire, en première instance, peut trouver une solution adéquate ainsi que le pourquoi du mode de lecture de toute représentation d’un objet. Je ne fais que rappeler ici ce que beaucoup d’auteurs ont déjà exprimé. L’obligation d’utiliser des mots et des concepts vient du fait que nous ayons à expliquer ce que nous voyons et non ce que nous percevons. Existe alors cette temporalité entre le vu et le compris, entre l’espace tangible et l’espace synesthésique, entre le réel et l’imaginaire. À ceci près que l’espace de sérénité est dans l’espace imaginaire.
En regardant une chose, nous ne voyons pas cette chose que nous croyons voir mais sa représentation, nous nous accrochons à cette idée qui s’installe dans nos esprits ; alors, nous continuerons à apprécier la chose vue avec cette impression, il suffira d’ouvrir nos yeux pour nous réveiller et atteindre la compréhension : lieu de la sérénité. Une autre question vient à l’esprit du chercheur : suffit-il, pour lever les objections faites à une interprétation étroitement « imagiste » de la compréhension, de compléter les systèmes de représentations imagées par un système qualifié de « verbal » ? C’est une solution de ce type qui a fait le succès du modèle du double codage. Mais, que va contenir ce système « verbal » qui soit de l’ordre du traitement de la signification et qui prenne en charge davantage que les aspects purement phonétiques ou graphémiques du langage ? [3] Nous nous assignons, dès lors, des images compréhensibles dans le cas d’une recherche d’espace voluptueux, sensuel (théorie de la compréhension) qui permettent de compléter l’imagerie des « petites » histoires pauvres en imagerie visuelle. Ce dont cette recherche d’espace serein a besoin est de tout énoncé, de se réveiller à la compréhension d’un tout permettant à chacun d’opérer une spéculation de toute conscience que celle-ci soit ou non évocatrice d’un Univers visionnaire.
De manière générale, l’objectif visé sera de se sortir de l’immersion sociologique environnementale contraignante afin de prendre une distance et comprendre ce qui se passe, répertorier les idées confuses dans les emplacements divers et variés de notre encéphale pour « les ramener à des choses distinctes et bien conçues » [4]. Ce parallèle (osé, j’en conviens) permet de bien préciser le comment pouvons-nous être serein et entrer dans les plurivers et la synesthésie formés, spécifiques à chaque individu. Finalement, avant toute expansion dans cette plasticité du cerveau, tout dépend de ce que nous voulons accepter, un ou plusieurs paramètres communs, dans l’observation personnelle portant sur une variable, en n’omettant pas qu’une ressemblance (au physique comme dans les imaginaires) se constitue toujours sur un fond de différence [5] et que les mêmes idées, les mêmes instances peuvent être considérées sous des angles divergents, comportant et faisant introduire de surprenante manifestation d’altérité.
Les conditions premières de mise en œuvre d’une activité sereine, dans toute résolution de problèmes issus de notre espace encéphale, sont, bien entendu, que les données de l’information soient « figurables ». Les conditions sont réunies lorsque la formulation décrit des espaces physiques ayant des signes d’éléments matériels qui feraient effectivement partie du monde réel, l’image de cet espace imaginaire essentiellement dénotatif, même si parfois nous restons dans le schéma, reflet d’un réel. Mais, comment rendre « figurable » une information dans un système synesthésique, par l’information d’un problème qui n’est pas dans le réel à l’origine de la question ?
Peut-on s’apercevoir que ce dont on se fait une montagne ne serait pas aussi considérable ? Nous oublions que nos idées, notre pensée possède leurs structures. Selon les orientaux (Chine, Japon, Inde) ce sont des éléments phénoménologiques et structuraux libres qui viennent « d’en haut », qui sont « verticales, de haut en bas» puis se répandent dans nos corps commençant par le cerveau. Rappelons-nous que TOUT notre corps (de la tête aux pieds) est cerveau. Il faut faire attention à retenir l’essentiel qui se transmet aux éléments perceptifs (ouïe, vue, toucher, goût), n’offrir aucune résistance. Gardons ces principes initiaux élémentaires, à ne jamais perdre de vue, que nous sommes obéissants, croyant vivre toujours les mêmes expériences et réagissant physiologiquement à la survivance dans l’instant même. En intégrant et activant les circuits cérébraux découlant des pensées associées à ces circonstances, nous maintenons physiquement les connexions synaptiques durablement à l’intérieur de ces réseaux, nous installant ainsi dans la sphère de plénitude, créant, par là, nos mémoires à long terme, réaffirmant le passé de façon répétitive, sans pouvoir se départir du processus de conditionnement résolument affermis. Physiologiquement par les pensées, nous formons notre corps à devenir notre « petite histoire » personnelle, subconsciemment, inconsciemment, et pire automatiquement. Faisant abstraction des aléas possibles, reconnaissant le besoin d’ouverture à des connaissances nouvelles, se créent en permanence des dénouements reflétant les états d’esprit ; donc, parvenir à changer le cours des évènements devient réalité : nouvel état d’être, oublieux de l’ancienne personnalité, toute signification ou toute intention consciente à une action renforce l’atmosphère de plénitude recherché. « La relation des rêves passe toujours pour un luxe de récit » [6]. Inutile d’en confisquer le crédit car, il s’agit de songes, venant troubler des instants alors que des effets anesthésiants, consécutifs à des éléments ordinaires de vie, et se sont encore faits sentir.
Ces récits se livrent comme des états d’esprit du moment où ils furent pensés, réfléchis. Malgré cela, il devient nécessaire de faire nos propres réveils et il paraît extrêmement difficile de pratiquer ce réveil lorsque nous sommes aveuglés par toutes les circonstances, soumis à la croyance que la représentation d’un objet (morceau d’objet) est autre chose que ce qui est vu et, surtout, si celle-ci nous convient le mieux. Dans ce que nous souhaitons, trouver la Sérénité, la réconciliation sereine avec nous-mêmes et ensemble avec d’autres dans un univers de sérénité, nous avons à lutter : « lorsqu’on lutte contre quelque chose, on lui reste attaché pour toujours. Tant que nous luttons contre une chose, nous lui donnons plein pouvoir sur nous-mêmes, autant de pouvoir que celui qu’on utilise pour lutter contre elle » [7].
Le but fixé d’atteindre cette félicité sera de voir clairement la valeur de ces représentations. Sans compréhension de cet aphorisme, l’hypnotisme de cette chose reste présent et nous persisterons à en être prisonniers. Sans ce réveil personnel sur « nos choses » aucune possibilité de maintenir un désir sur « ces choses ». Sérénité veut tout aussi bien dire que je jouis de vos compagnies sur un fondement affranchi de tous liens. Ce qui intéresse, ce sera la conjonction des univers synesthésiques se mêlant, s’entremêlant et si nous avons à rencontrer quelqu’un d’autre, nos univers vont rester tels quels s’agrégeant du nouveau venu. Chacun continue sa performance, ne s’arrête pour jouer sa partition et le réveil, dont je parle, est cette forme de cohabitation et d’interaction des univers de chacun. Une certaine forme de simulation imaginative dans cette situation, en revanche, sera à même de favoriser l’interprétation et l’acceptation de l’univers serein d’où émane une forme de sérénité. J’ai à affirmer qu’il est très vraisemblable qu’une « figuration » réaliste de la situation sereine et des états successifs soit une procédure ayant une valeur cognitive notoire. Il est une histoire type [8] qui précise que tout sujet voulant une représentation imagée (réalité) des états successifs de la (toute) situation se trouve fortement gênée alors que tout raisonnement abstrait de la représentation se base sur une formulation (expliquée en début de ce texte) reposant uniquement sur une exploitation de cette formule qui relie la durée à la distance, à l’urgence de la description, aidée par la vitesse des connexions synaptiques et au volume (synesthésique) dans lequel appartient le sujet.
À ce prix, j’ai à penser le « bonheur » et me questionne : comment survient l’état d’esprit serein ? Pouvons-nous repenser à la méthode de réveil neuronal et en faire une analyse pour comprendre ? Tant il est vrai qu’il nous sera impossible de comprendre cette expérience si on ne peut changer d’état d’esprit et si la compréhension se fait présente. Ce dont on ne comprend pas, nous ne pouvons en avoir conscience. Cette immersion dans la cognition serait-elle graduelle ? Ou bien : sommes-nous capables de faire le point immédiatement, d’un seul coup ? Qu’est ce qui fait naître l’état d’esprit serein ? Une seule condition pressante est d’extraire en conscience les états négatifs, les sentiments vains qui nous animent, tous ; l’étape ultime étant de ne jamais s’identifier à un sentiment. Une certitude est le doute lui-même comme acte et non comme une pensée car, il y a des sentiments perçus de même que nous ne pourrions les faire coïncider reconnaissant qu’il existe des perceptions intérieures. Nos croyances nous font admettre l’importance essentielle du rôle de nos esprits en conscience, effort pour une sérénité acquise. La démonstration a été faite qu’en utilisant nos attentions de manière ouverte et appropriée, nos systèmes neuronaux deviennent plus organisés, plus synchronisés et toutes parties de nos corps (corps physique et corps psychique) travaillent de façon plus ordonnée : calme et serein, car ce qui est synchronisé est relié fonctionne de concert et au même rythme, favorisant l’instant présent.
La solution apparente après maints exercices cérébraux paraît dans l’évitement d’être exigeant lorsque se poursuivent nos recherches de conscience. Il faut et il suffit de se conformer aux règles sociétales qui nous environnent. C’est en nous identifiant de moins en moins avec le « JE » que nous serons dans l’approche de la sérénité, devenant de plus en plus libres avec tous les sujets qui nous entourent. Il est souvent justifié, que notre lucidité retrouvée peut seule exercer un effet physique important sur notre corps, notre santé et nos cognitions. Expérimentation d’un espace de sérénité. Ce que nous apprenons, le verbe qui est employé pour définir ce que nous analysons et surtout la façon dont sont interprétées les herméneutiques produites, va affecter nos intuitions, nos intentions. Sachant que, lorsqu’il y a investissement, une plus grande intention véhicule dans ce que nous prévoyons de faire et ce que nous allons cerner, les définitions de ce que nous déterminons comme espace personnel, contiguïté avec les autres espaces, les autres croyances. « Entre temps, une série d’études parallèles qui examinent l’effet des attitudes, des perceptions et des croyances ouvre une voie nouvelle à la recherche actuelle sur les connexions entre le corps et l’esprit en démontrant que, même quelque chose d’aussi concret en apparence que les bienfaits de l’activité physique peuvent être affectés par les croyances » [9]. Au-delà de ces créations (changements de connexions) et la manière dont elles évoluent au fil des actions, en continuité avec une temporalité toujours en mouvement, la structure physique du cerveau se bouleverse et s’expanse. Dans la quête d’un changement entre univers de perturbation et univers placide, le cerveau apporte la preuve physique que quelque chose a non seulement été apprise mais également été mémorisée et acceptée pour atteindre toute sérénité.
C’est un processus de renforcement sélectif [10] disant qu’il suffit d’ouvrir nos yeux pour voir en conscience et qu’ensuite nous allons comprendre. L’épiphénomène de la conscience peut faire apparaître par nos attentions une phénoménologie qui va rétablir notre unité de pensée dans cette dimension nouvelle au moment où elle nous fait entrevoir nos dualités.
« Nous sommes déjà des Bouddhas. Parler d'atteindre quoique ce soit est une profanation, et, logiquement, une tautologie» [11] D.T. Suzuki.
Dans cette seconde partie, il ne pouvait pas être hypothèse fixe de rester sur une trame où les religions quelles qu’elles soient seraient le fondement de l’étude : « Être serein, connaître la sérénité ». Si, je m’en réfère à Suzuki, c’est que j’y ai trouvé l’apaisement de l’esprit en me maintenant dans la compréhension que toute sérénité vient d’un bonheur assimilé avec toutes ces petites choses qui font nos « petites histoires » personnelles. Puisqu’il est question de bonheur (comment et pourquoi en serait-il autrement ?) voilà un proverbe africain exprimant bien une pensée ordinaire : « Le bonheur ne s’acquiert pas, il ne réside pas dans les apparences, chacun d’entre nous le construit à chaque instant de sa vie avec son cœur» [12].
Il y a du religieux dans ce texte court mais pas de religion. Il y a une subordination du corps au ressenti de l’esprit. Voilà des clés pour créer nos atmosphères, gérer des émotions en sachant faire le tri de l’important et du négatif. Transformer durablement nos perceptions négatives (colère, tristesse) et prendre ce qui s’appelle du recul pour se concentrer sur les « petits » bonheurs. Les acceptations des sentiments négatifs font que le présent de l’instant est concentré sur nos transformations afin de nous réveiller, appréciations des éléments ordinaires de toute vie en communauté ou seul dans les silences de nos cerveaux en expansion. La sérénité est une logique de méditation, un espace de liberté où tout devient possible procurant cette sensation de bien-être, de contentement du corps par l’esprit. L’important étant l’instant, notre esprit ne cherche plus dans le passé, nos antécédents ; cela sans aucun égarement, sans angoisse de l’inconnu, d’un futur ignoré par essence. Peut-on lâcher prise sur tout le reste par un langage simple et précis mais ni simpliste ni réducteur ? Il nous suffit de prendre en considération les « traditions spirituelles ». F.J. Varela et N. Depraz précisent bien la différence : « Qu’entendons-nous par « traditions spirituelles ? (…) Nous souhaitons tout d’abord opérer une distinction assez nette entre l’examen spirituel (au sens donné plus haut dans leur texte commun) et la dimension religieuse » (…) et, de poursuivre dans la voie d’un éclaircissement intelligible. « On emploie le terme de religion pour désigner les importantes traditions monothéistes (…) de souche abrahamique. Quoique l’on fasse souvent l’amalgame, la différence entre religion et spiritualité est cruciale ici, car il est essentiel pour nous de tirer profit de méthodes et d’observations encore vivantes, mais nous n’avons pas l’intention de nous inféoder à une religion particulière » [13].
Comme beaucoup d’autre sujet méditant, nos esprits (le maître mot du lieu de la sérénité) trouvent des points de méditations procurant un espace serein, une sphère tranquille; cela veut dire que notre esprit n’a plus l’occasion d’aller en s’égarant dans des passés proches ou en essayant une appréhension d’un futur (im)probable alors que nous devons réaménager notre façon de vivre dans le présent voulant lâcher prise sur tout le reste ; tout en observant la « beauté » et surtout comment la voir. Faire entrer dans l’espace personnel les moments de concentration fait comprendre que nos actions les plus intimes sont le pilier de notre sérénité comme boire un thé, marcher sans but, observer les populations, les animaux, être dans un système holographique [14]. Pour revenir sur la compréhension de l’image fournie, cela confirme le résultat précédent (voir le 1er §) qu’un langage simple accessible à tous favorise la sérénité, comme une respiration abdominale.
Venue d’Extrême-Orient, il est une pratique apaisante (sereine) que sont les « trois portes de libération » [15]. Au cours d’une phase de méditation, prendre en considération tout le corps sans faire d’à priori ou de discrimination, impliquant le « cerveau » en ses différentes parties (c’est-à-dire : tout le corps). Il faut prendre conscience, se réveiller dans son corps, laissez se fondre corps / esprit par une respiration forçant cette observation du corps à devenir un avec l’esprit. Faire disparaître toute frontière entre corps et esprit quand l’extrémité entre le sujet et l’objet de l’observation aura disparu. Toute respiration ne peut être indépendante au corps et à l’esprit (trilogie largement développée dans les écrits des trois religions monothéistes) quand l’esprit et la respiration font corps ; le corps dans le corps : « Sujet et objet sont vides ; comprendre que sujet et objet ne sont pas deux mais un » [16]. Images mentales. Ces lieux de convergences concernent ce que nous pouvons appeler une « base de données » cognitives à partir de laquelle sont générées les images mentales »[17]. Esprit et corps s’accordent pour avoir à un instant procuré un progression psychique adaptant une représentation disponible d’effets historicisés (notre petite histoire), sphère d’images en mémoire subissant une forme de remise en état virtuelle, les faisant passer dans un registre de compréhension spécialisé dont le produit est la sensation d’un espace de sérénité. « Il est vrai que l’homme le plus impassible est assujetti par son corps et ses sens aux impressions du plaisir et de la douleur et à leurs effets » [18]. Les ressentis (système verbal et iconographe) traitent de ces instants, de ces impressions d’instant, sensations des représentations transitoires aux propriétés hypothétiques d’un support mental sur lequel ils s’inscrivent. Cependant, il est nécessaire de rechercher une infrastructure à partir de laquelle la sérénité (sphère synesthésique) peut se construire en menant une exploration plus active du bagage cognitif qui sous-tend une activité des réseaux neuronaux concernant l’imagination de l’individu incluant toutes les mémoires permanentes et les mémoires transitoires situant un apogée du plaisir d’être.
Pour la conclusion en marquant cet instant, car la sérénité ne peut être que par instant même si nous la pensons globale dans nos individualités, par « l’apogée du plaisir » nous faisons cohabiter les instants sereins par les instants d’évacuations nécessaires et nous comprenons que nos réveils sont de l’ordre d’une appréciation de moments producteurs d’émotions nouvelles, d’émottions d’une jouissance esthétique (qui procède également d’un processus d’évacuation) qui accèderaient à l’hypothèse aristotélicienne de la catharsis. Émotions nouvelles invitant nos psychés non à se débarrasser de l’éprouvé mais à contrario, comme dans le recommencement réitéré de Freud vers la statue de Moïse (combien de fois ai-je gravi l’escalier abrupt ?) à repartir à l’assaut pour réactiver les effets de rencontre, imposant, alors, les urgences d’une répétition de ces «Mehr von Lust » plus de plaisir engendré par les tensions qui se manifestent tant dans l’orientation qui active les jouissances et le bien-être que dans une théorie qui tente de d’enregistrer et d’arbitrer les ressentis de l’expérience : l’entendement est convoqué pour rendre un verdict (sur lequel je prendrai une distance par rapport à Freud [19]) donnant apparemment raison au modèle masculin. Ce qui m’intéresse c’est que tout plaisir, tout espace de sérénité, tout contentement comme le répète souvent les taoïstes, prendra une connotation sexuelle, une finalité dans une jouissance électrisante, même supposée, sexuelle déterminante.
Alors question finale : la jouissance esthétique serait-elle un processus d’évacuation nécessaire pour atteindre la sérénité ?
Notes
[1] Joé Dispenza, Le Placébo, c’est vous ! Comment donner le pouvoir à votre esprit, (2014) Trad. : Frederick Letia, Outremont (Canada) Ariane Éditions, 2015, Introduction, p. XXXIII.
[2] Miguel Maldonado, S’Attarder aux détails, (Detenimiento) Traduit de l’espagnol par Françoise Roy, Trois Rivières (Québec) éditeur Écrits des Forges, 2011, p. 39.
[3] Michel Denis, Image et cognition, Paris, P.U.F. Coll. Psychologie d’aujourd’hui, 1989, p. 105.
[4] André Chastel, Léonard de Vinci, Traité de la peinture, (1490/1500) Paris, éditions Calmann-Lévy, Nelle Édition, 2003, §.2.
[5] Georges Dumezil, Mythes et dieux indo-européens, Paris, éd. Flammarion, coll. Champs, 1992, p. 19. Je me réfère au principe de l’analyse comparative, telle que l’a pratiquée G. Dumezil qui, cherchant toujours des « concordances sur un fond de différences », termes prononcés dans sa leçon inaugurale au collège de France en 1949.
[6] Serge Koster, Trou de mémoire, Paris, P.U.F., coll. Perspectives critiques, 2003, p.167.
[7] Anthony de Mello, Quand la conscience s’éveille, (1994) Traduit de l’anglais par Paule Pierre, Paris, Édition Albin Michel, coll. Spiritualités, Poche, 2002, p.p. 24,25.
[8] Michel Denis, Image et cognition, ibid. p. 229, Histoire des 2 cyclistes roulant l’un vers l’autre et la mouche allant de l’un à l’autre.
[9] Joé Dispenza, Le Placébo, c’est vous ! Comment donner le pouvoir à votre esprit, ibid. opus cité : p. 52.
[10] Processus appelé potentialisation synaptique. Lorsqu’un afflux de neurones sont transmis et accolés en concordance pour soutenir une nouvelle pensée, une substance chimique (protéine) supplémentaire est créée à l’intérieur de la cellule nerveuse, substance qui va migrer vers le noyau où elle s’intègrera à l’ADN.
Plasticité de la plasticité synaptique, url : https://www.cnrs.fr/.
[11] Daisetz Teitaro Suzuki, Essai sur le bouddhisme Zen, Paris, Éditions Albin Michel, coll. Poche, 2003.
[12] Auteur inconnu, proverbe africain du Centre Ouest.
[13] Francisco. J. Varela, Nathalie Depraz, Pierre Vermersch, Les traditions de la sagesse et les chemins de la réduction in À L’Épreuve de l’expérience, Pour une pratique phénoménologique, Bucarest, Éditions Zeta Books, 2011, §7.1, p. 291.
[14] Bernard Troude, Immersion, La créativité, enfer cérébral. De l’infini possible au périmètre fini cérébral chez les artistes. In revue Plastir, à paraître 1er trimestre 2016, revue virtuelle. www.plastir.com. Quand je parle de système holographique, c’est pour démontrer que les images (virtuelles, urbaines ou réelles) sont les symptômes d’une société qui se côtoie et qui, jamais, ne se « mélange ».
[15] Thich Nhat Hanh, L’Esprit d’amour, Paris, Éditions Pocket, collection « Spiritualités et Religions ». 2012. Les trois portes de libération (le vide, l'absence de formes et l'absence de désir) sont communes à toutes les écoles du bouddhisme. La première de ces portes est le vide, sunyata.
[16] Thich Nhat Hanh, L’Esprit d’amour, ibid.
[17] Michel Denis, Image et cognition, ibid. : p. 248.
[18] Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries d’un promeneur solitaire, (1776/1778. 1782) Paris, Éditions Gallimard, le livre de Poche, 1965, p. 201 Notes écrites sur des cartes à jouer.
[19] Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, Paris, Éditions Gallimard, 1987, pp.108, 109. « Le nouveau but sexuel consiste chez l’homme dans la décharge (entladung) des produits sexuels (…) ; l’apogée du plaisir est lié à cet acte terminal du processus sexuel ».
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