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  • En Quête De Mythanalyse
    Hervé Fischer (a cura di)

    M@gm@ vol.12 n.3 Settembre-Dicembre 2014

    LE VOILE D’ISIS ET L’OBJECTIVITÉ DES MYTHES : DES LOIS IMMANENTES DE LA NATURE AUX BEAUTÉS DE LA LITTÉRATURE


    Jean-Jacques Vincensini

    vincensini@wanadoo.fr
    Professeur de langue et littérature médiévales à l’Université François Rabelais et membre du Centre d'études supérieures de la Renaissance (CESR), à Tours. Il travaille sur les tensions entre « mythologie » et « mythe » dans les Lettres médiévales des XIVe et XVe siècles ainsi que sur les modes de traduction des œuvres du Moyen Âge au XXIe siècle.

    Ces lignes souhaitent offrir une sorte de déambulation autour du principe d’immanence qui conduira à s’interroger sur la relation entre les couches géno-physique – le monde naturel, d’une part – et sémiotique (et, peut-être épistémique) – les mondes de l’esprit – de l’autre. Car c’est bien dans la relation entre ces deux mondes que va se poser le statut cognitif et émotionnel particulier de la littérature.

    Deux questions vont servir d’arrière plan aux arguments présentés. Claude Lévi-Strauss est célébré pour la majesté de sa prose qui « fait songer à Chateaubriand pour la posture et à Bossuet pour le rythme » [1]. On serait donc tenté de croire Emmanuel Desveaux quand il affirme que Lévi-Strauss aurait « cédé à la tentation d’être considéré avant tout comme un écrivain en acceptant qu’une anthologie de ses œuvres soient publiée par les éditions Gallimard dans la collection de La Pléiade. » [2] Première question : la consécration de Lévi-Strauss comme écrivain équivaut-elle à son invalidation scientifique ? Seconde interrogation : dans la mesure où l’œuvre de Lévi-Strauss – loin d’accorder toute son attention aux mythes des indiens d’Amérique du Nord et du Sud – octroie une place prééminente aux œuvres européennes, notamment à ces classiques de la littérature que sont Pindare, Chrétien de Troyes, Montaigne, Rousseau, Apollinaire, quelles raisons justifient cette prérogative accordée aux Lettres parmi les divers «  Beaux Arts », comme la peinture ou la musique, auxquels l’auteur de Regarder Ecouter Lire s’est passionnément intéressé ?

    Les perspectives suivantes orienteront mon argumentation : penser la relation de Lévi-Strauss avec la littérature implique de considérer tout d’abord avec un peu de précision les fondations philosophiques de l’idée que le mythologue se fait du sens ; cette idée, on l’éclairera, comme il se doit, en l’opposant différentiellement à une thèse concurrente aussi vivace dans les sciences de la nature que dans celle de l’esprit. On pourra alors, dans un deuxième temps, regarder la conception que Lévi-Strauss se fait du passage, crucial, du sensible à l’intelligible afin d’écouter finalement l’hymne à la littérature chanté par son œuvre.


    Isis dévoilée

    1. Épistémologie des billevesées. « Où » est le sens mythico-littéraire ?

    Commençons par quelques considérations épistémologiques dessinant le cadre conceptuel du lien lévi-straussien entre science anthropologique et littérature. À première vue, ce nœud est curieux. Car si le savoir postule des lettrés, c’est précisément ce contre quoi l’anthropologie – le discours sur l’homme aussi bien que son étude dans ses œuvres et ses manifestations – s’est d’abord définie :

    Qu’il s’agisse de sciences de la nature ou de sciences de l’homme, le premier réflexe d’une discipline qui naît est de se défaire des littérateurs et de rejeter dans les limbes de la connaissance pré-scientifique tout ce que les ‘gens de lettres’ ont pu écrire sur son objet (….). Comme Cuvier qui reprochait à Buffon son abus de ‘langage figuré’ (…) les premiers ethnologues n’ont eu de cesse de se distinguer des auteurs de récits de voyage et autres littérateurs, (…) qui confiaient aux ressources de l’imagination et aux ‘combinaisons de l’esprit’, l’étude de l’homme en société. [3]

    Lévi-Strauss lui-même n’ignore pas le poids de ces tensions. Sa note liminaire à l’étude des « Chats » s’ouvre sur la virtuelle disqualification que je viens d’évoquer, mais pour s’y opposer immédiatement avec des arguments qui offrent une sorte de résumé des observations qui suivent :

    On s’étonnera peut-être qu’une revue d’anthropologie publie une étude consacrée à un poème français du XIXe siècle. Pourtant l’explication est simple : si un linguiste et un ethnologue ont jugé bon d’unir leurs efforts pour tâche de comprendre de quoi était fait un sonnet de Baudelaire, c’est qu’ils s’étaient trouvés indépendamment confrontés à des problèmes complémentaires. Dans les œuvres poétiques, le linguiste discerne des structures dont l’analogie est frappante avec celles que l’analyse des mythes révèle à l’ethnologue. De son côté, celui-ci ne saurait méconnaître que les mythes ne consistent pas seulement en agencements conceptuels : ce sont aussi des œuvres d’art, qui suscitent chez ceux qui les écoutent (…) de profondes émotions esthétiques. [4]

    On observe avec intérêt que l’univers de Baudelaire est d’emblée abordé comme un univers mythique. Et c’est là que le scientifique, suivant son exigeant besoin d’objectivité, voit que le bât blesse.

    En effet, gorgé d’éléments et de faits qui transgressent les lois du monde empirique, le mythe est, comme la littérature traditionnelle, l’un des lieux privilégiés d’une apparente irrationalité poétique. Devant d’indéniables accumulations d’objets magiques, face à des protagonistes merveilleux ou divins qui violent les lois physiques de la nature, nous sommes, dit Paul Veyne, « comme les folkloristes devant le trésor des légendes ou Freud devant la logorrhée du président Schreber » et confrontés à la question: « que faire de cette masse de billevesées ? » [5] 

    Chez Lévi-Strauss, c’est le stade, incontestablement troublant, exigeant et fondamental de l’incompréhension. Exemples, la « locution [mères, filles de leurs filles], au premier abord bizarre, appliquée » aux colchiques par Apollinaire, étudiée dans un travail au titre éclairant « Une petite énigme mythico-littéraire » [6], ou l’incongruité déconcertante de la figure de Lautréamont « la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie » que Lévi-Strauss explique sur les traces de Max Ernst. [7]

    Les billevesées et l’incongruité, comment les penser ? Et comment cette pensée peut-elle légitimer la complémentarité des explications scientifiques et des textes littéraires comme levier de la connaissance ? Ces interrogations vont conduire, selon des rythmes très hétérogènes, vers trois réponses divergentes et même contradictoires au filtre desquelles l’Occident a considéré les relations entre monde naturel et monde de l’esprit et, en conséquence – car c’est bien ce lien consécutif qui retient l’attention – entre sens et anthropologie du mythe. En regard, la puissance des thèses de Lévi-Strauss apparaîtra mieux ultérieurement.

    Regardons en premier lieu la réponse sceptique. Dès l’aube de la philosophie occidentale, de nombreuses réflexions ont été consacrées à l’épopée homérique et aux mythes grecs par Platon. Il s’intéresse aux formes intelligibles, appréhendées par l’intellect, qui constituent la réalité véritable et immuable. Présentant, lui aussi, une stabilité absolue, l’acte qui permet de les appréhender est indifférent au temps. En revanche, les choses sensibles, dont la seule réalité tient à leur participation aux formes intelligibles, se situent d’emblée dans le temps. Selon ces critères, le référent du récit mythique est invérifiable, situé qu’il est « soit à un autre niveau de réalité, inaccessible aussi bien à l’intellect qu’aux sens, soit au niveau des choses sensibles, mais dans un passé dont celui qui tient ce discours ne peut faire l’expérience directement ou indirectement. » [8] En conséquence, la littérature mythique est un discours qu’on ne peut croire : « Crois-tu que Dieu soit un magicien capable d’apparaître insidieusement sous des formes diverses? » [9] Vu sous cet angle, le récit mythique et le poète, son émetteur, sont disqualifiés précisément à cause du lien qui l’attache aux « fantômes sans réalité ». Il est donc dangereux et condamnable (ce qui n’empêchera pas Platon de composer à son tour de pieuses légendes, comme celle de l’Atlantide, ou le mythe vraisemblable qu’expose le Timée). Dans Platon et le miroir du mythe,Jean-François Mattéi, lisant La République, les Lois et le Gorgias observe à cet égard que, si l’on dépasse la question des termes et on s’intéresse à la « chose même (…). On voit les contours de la parole mythique se raffermir pour définir un espace autonome dont les traits s’opposent terme à terme » : fondamentalement, la réflexion spéculative du logos est clairement opposée à la « forme spéculaire du muthos. » [10]Cette opposition ne tourne « pas à l’avantage du mythe ; en bien des passages, Platon raille ces contes de bonnes femmes qu’il rapporte aux mères, aux nourrices ou aux vieilles femmes ; et il est significatif que son premier mythe, celui de Prométhée et d’Epiméthée, soit placé dans la bouche d’un sophiste. » [11] 

    Bref, la dialectique philosophique spéculative et les normes de la cité modèle excluent les billevesées.

    La deuxième réponse réserve un accueil plus positif aux lettres et au mythe. Dans le chapitre 9 (52a) de la Poétique d’Aristote, considéré comme son premier théoricien, le thaumaston – le choc esthétique – indique un effet susceptible de provoquer une impression mêlée de surprise et d’admiration. Aristote évoque la chute de la statue de Mitys qui tua son assassin et fait ce commentaire : « la vraisemblance exclut que te tels événements soient dus au hasard aveugle. Aussi les histoires de ce genre sont-elles nécessairement les plus belles. » [12] Cette impression choquante relève de l’émerveillement, racine du merveilleux littéraire. François Frazier insiste sur le fait que « La notion de ‘surprenant’, thaumaston, et l’effet se saisissement, ekphèses, qu’il provoque jouent ainsi un rôle important dans le plaisir littéraire et contribuent à sa valeur cognitive, car l’étonnement provoqué débouche sur une découverte. » [13] Cette conception du merveilleux, certains contemporains l’appellent « fascination ». On pense à Roger Caillois et à l’ébranlement qu’il vit, au Brésil, devant une réalité naturelle captivante, notamment des insectes exposant des « données répugnantes et inédites ». Caillois affirme alors le lien direct, immédiat entre ces « morphologies » choquantes et ad-mirables et, dit-il, « une certaine mythologie ou une fascination particulière se trouve attachée à l’animal insolite, qu’il s’agisse de l’araignée, de la pieuvre, de la chauve-souris, de la mante religieuse, de l’hippocampe. » Comme envoûtée par ces rencontres fortuites, l’imagination est considérée comme l’un « des ressorts de la poésie. » [14] C’est, en un mot, l’apothéose revendiquée du poétique mythologique, né de la réalité naturelle et du trouble de l’imaginaire. On en reparlera plus tard mettant en relation Goethe et le Caillois auteur de l’Esthétique généralisée.

    La troisième thèse relèverait, dit grossièrement, d’une position herméneutique.Elle va plus précisément retenir l’attention et éclairer le titre un peu obscur donné à ces pages. [15]

    Pour arriver à l’idée du mythe conçue par cette conception, on partira de nouveau de sa vision du réel, de l’accès aux plans géno- et phéno-physique. Elle tient en un énoncé : « La Nature aime à se cacher », selon le célèbre aphorisme exprimé par Héraclite environ cinq cents ans avant notre ère. Or, dans la statuaire grecque, la déesse Nature est souvent représentée comme le résultat de la fusion entre la figure d’Artémis d’Ephèse et celle d’Isis, à laquelle une inscription antique rapportée par Plutarque faisait dire : « Aucun mortel n’a soulevé mon voile. » Voilà qu’apparaît la figure emblématique de l’intitulé de mon propos.

    Pendant presque deux mille ans l’évolution des attitudes scientifiques, philosophiques et poétiques de l’homme occidental à l’égard de la nature peut être regardée au prisme de cette métaphore du dévoilement. On la trouve au cœur des explications des concepts et des images qui ont servi à définir la méthode et les fins de la science de la nature, jusqu’au XXIe siècle, à partir de la tradition antique gréco-latine et biblique relayée par la pensée chrétienne. Suivant les ponctuations de cette translatio, on rencontrerait, entre autres, Pascal qui affirme que « Les secrets de la nature sont cachés ; quoiqu’elle agisse toujours, on  ne découvre pas toujours ses effets. ». Bertrand de Saint-Sernin, qui cite cette affirmation, en donne cette interprétation : « Cette page fait apparaître l’origine religieuse du positivisme en théorie de la connaissance. L’allusion aux secrets cachés de la nature rappelle en effet le Livre de Job où Dieu fait défiler devant ce dernier les merveilles de la Création sans en dévoiler les modes de fabrication. » [16]

    Au cours de cette évolution, un saut important a été effectué au moment de la personnification de la Nature. On compose alors des hymnes à la Nature et, à la fin de l’Antiquité, c’est la figure de Nature, comme déesse-mère, qui s’impose. La pensée occidentale fait alors s’équivaloir : secrets divins, secrets de la déesse voilée, secrets de la nature. Qu’il s’agisse de choses inexplicables ou difficiles à percevoir ou encore de causes et, spécialement de forces secrètes inconnues, l’idée de secret de la nature suppose toujours « une opposition entre le visible, ce qui apparaît, le phénomène, et ce qui est caché au-delà de cette apparence, l’invisible. » [17] Bref, la nature offre un double aspect : elle s’expose à travers la variété du monde sensible et, en même temps, elle dérobe sa partie la plus essentielle derrière l’apparence. À l’époque médiévale, l’idée est tellement prégnante qu’elle donne naissance à un genre littéraire le « secret de secrets ». Sa thèse est que le sage ne doit pas révéler les secrets qu’il a dévoilés. Cet ésotérisme médiéval s’exprime donc dans de nombreux « secrets des secrets » qui ont été florissants ainsi que dans les multiples Académies qui, en Italie, en France et en Angleterre ont réuni les savants à la recherche des secrets de la nature, phénomène qui président à la naissance de la science moderne. Le père de l’empirisme, Francis Bacon (fin XVIe début XVIIe siècle), par exemple, déclarera que « la nature ne dévoile ses secrets que sous la torture des expérimentations. » [18]

    Empruntons le « passage du Nord-Ouest » et, quittant les sciences de la nature, abordons à celles de l’esprit. Pour circuler ainsi des plans physiques à l’herméneutique mythologique, le relais sera favorisé par ce que l’on appelle classiquement la « physique théologique » et par le biais de l’interprétation des récits mythologiques.

    C’est que depuis l’Antiquité, l’idée des secrets de la nature est également celle du plan divin et, en conséquence, les discours sur la nature – ou physio-logia sont intimement liés aux discours sur les dieux ou theo-logia. Comment se tisse cette intime conjonction ? Plutarque, philosophe platonicien du 1er siècle, donne la réponse quand il affirme que :

    chez les Anciens, Grecs aussi bien que Barbares, la physiologia a été un discours sur la Nature, qui était enveloppé dans des mythes, une théologie le plus souvent dissimulée par des énigmes et des significations cachées et se rapportant aux Mystères.

    L’idée est donc claire : les mythes (grecs et romains) contiennent un enseignement caché au sujet de la nature ou, plus intéressant pour nous, comme l’écrit Pierre Hadot, « sous le voile du mythe ». [19]

    En franchissant les siècles, on arrive naturellement au génie symbolique de l’époque romane. Comme l’écrit Umberto Eco, le plus typique « aspect de la sensibilité esthétique médiévale », celui qui résume « tous ces processus intellectuels que nous tenons pour médiévaux » tient à la « façon symbolico-allégorique de considérer l’univers. » [20] Cette allure symbolique de l’époque romane (au moins quand elle est accueillante à son héritage) perçoit dans les personnages et dans les épisodes de l’Ancien Testament des préfigurations de la Nouvelle alliance et voit dans la fable mythologique l’annonce de la vérité chrétienne.

    Le génie du symbole rend la pensée médiévale extrêmement réceptive à l’exercice allégorisant, qu’il soit tourné vers des œuvres profanes ou sacrées, qu’il s’exerce vers le monde des arts et du langage ou vers l’univers naturel. Cette orientation s’appuie sur la conception du monde comme miroir, le fameux speculum Dei, qui fait notamment de l’Écriture Sainte un texte de signa translata (signes figurés) lisibles à quatre niveaux (littéral, allégorique, tropologique et anagogique). [21] On connaît les célèbres vers du Rhythmus de Incarnatione Christi, d’Alain de Lille, théologien de la fin du XIIe siècle :

    Omnis mundi creatura,
    Quasi liber et pictura
    Nobis est, et speculum. [22]

    (Toute créature du monde
    Est pour nous comme un livre,
    Une peinture et un miroir.)

    Comme outil de démonstration l’herméneute médiéval recourt avec prédilection à des notions synonymes de « voile » comme celles d’integumentum (mot qui apparaît au 1er. siècle avant J.-C chez Cicéron, dans le sens de « masque, manteau, voile, apparence trompeuse »)et d’involucrum (« enveloppe »). Dans son article « L’usage de la notion d’integumentum à travers les gloses de Guillaume de Conches » [23], Edouard Jeauneau constate l’identité que de nombreux grammairiens du XIIe siècle - parmi lesquels Guillaume de Conches et Pierre Abélard - établissaient entre les notions d’integumentum et d’allegoria classique. Échouant à découvrir chez l’auteur des Glosae super Boetium, une définition systématique de l’integumentum, Jeauneau la trouve chez Bernard Silvestre, commentateur des six premiers livres de l’Enéide :

    Integumentum vero est genus demonstrationis sub fabulosa narratione veritatis involvens intellectum, unde et involucrum dicitur. [24]

    On le voit, les deux termes integumentum et involucrum – que Bernard Sylvestre pose en synonymes [25] - sont comme des vêtements qui enveloppent la vérité. L’interprète devra soulever le voile d’Isis, le manteau de la fable qui cache l’enseignement philosophique au vulgaire. On l’a vu à l’instant, de l’integumentum à l’involucrum, la distance est mince. L’Oxford Latin Dictionary l’indique [26] et, quelques années après la parution de l’article d’Edouard Jeauneau (en 1975), le père Marie-Dominique Chenu le confirme dans « Involucrum, le mythe selon les théologiens médiévaux » [27], soulignant le succès particulier, au XIIe siècle, et notamment parmi les philosophes de l’École de Chartres, de l’explication allégorisante et morale. Parmi eux, les termes d’« involucrum (ou integumentum) » exprimaient le procédé littéraire qui accorde, par « une moralisatio allégorique, un contenu de vérité aux fables païennes. » [28] D’où son usage totalisant. En effet, le genre littéraire de la moralisatio permettait aux commentateurs d’Ovide et de Virgile de lire sans scrupules les auteurs païens. « Toute la mythologie y passa. » [29]

    Bref, selon cette thèse, il existe un sens dissimulé du sens de la manifestation auquel on ne peut accéder qu’en soulevant le voile d’Isis. Un sens du sens, on y reviendra. Cette idée est au cœur de la conception herméneutique de l’interprétation contre laquelle le structuralisme luttera avec constance et détermination.

    Pour exposer ce mode d’interprétation, je laisserai la parole à Paul Ricœur et, plus précisément, à son ouvrage De l’Interprétation, Essai sur Freud. [30] Il distingue tout d’abord les traditions discordantes dont héritent les philosophes contemporains : le Peri Hermnênias d’Aristote et, comme il se doit, l’exégèse biblique. Ricœur voit cette dernière resurgir chez Freud : le récit du rêve (ou du « souvenir écran ») est un texte inintelligible auquel l’analyse substitue un texte plus intelligible. Interpréter c’est donc procéder à une substitution. C’est dans cette liaison du sens au sens, dit Ricoeur, « que réside ce que j’ai appelé le plein du langage. Cette plénitude consiste en ceci que le second sens habite en quelque sorte le premier. » [31] La justification de l’herméneutique ne peut être radicale, continue le philosophe, que si l’on cherche dans la nature même de la pensée réflexive « le principe d’une logique du double sens complexe et non arbitraire, rigoureuse dans ses articulations ». Cette logique n’est plus alors une logique formelle, mais une logique, dit Ricœur, « transcendantale, elle s’établit en effet au niveau des conditions de possibilité. » Et il précise : « Ce que l’herméneute appelle double sens, c’est en termes logiques, ambiguïté, c’est-à-dire équivocité des mots et amphibologies des énoncés. » [32]

    La pensée réflexive qui fonde cette thèse prend alors une allure psychologisante dans la mesure où la justification des expressions équivoques s’inscrit dans un « mouvement d’appropriation de soi par soi qui constitue l’activité réflexive. » [33] L’un des pères de l’herméneutique Wilhelm Dilthey dans Naissance de l’herméneutique, paru en 1900, inspire Ricoeur. [34] La psychologie est, en effet, aux yeux de Dilthey la clé de l’histoire, elle lui donne son assise à travers l’approfondissement de l’expérience que l’homme apprend à faire de lui-même. Le philosophe allemand plaide pour une sorte de psychologie transcendantale de l’imagination poétique qui permettrait d’élever la compréhension du particulier à une validité universelle. Le terme miné de compréhension est ainsi défini : « l’expérience d’autrui ne nous est tout d’abord accessible de l’extérieur que dans des données sensibles, des gestes, sons et actions. [Par conséquent] Il nous faut un processus de reconstruction de tout ce qui vient par bribes à nos sens. » [35]

    2. Critique de la conscience mythique

    Cœur du sujet, la quatrième réponse est fondée, développée et magistralement illustrée par les travaux de Claude Lévi-Strauss et de l’anthropologie structurale. Ils dirigent vers une piste rationnellequi inscrit la rencontre du littéraireet du mythe dans le cadre d’une « critique de la conscience mythique ». Quel est le socle épistémologique de cette position ? Quelles relations instaure-t-elle dans les échelles du monde, entre les plans « physiques », le réel naturel, et le monde de la signification ? 

    Si Lévi-Strauss est le plus éloquent représentant de cette conception, Ernst Cassirer peut être considéré comme l’un de ses meilleurs précurseurs. Philosophiquement, ils sont tous deux les héritiers de Kant. Rappelons donc, même si c’est dans un raccourci outrancier, que pour la Critique de la raison pure la « critique » suppose l’existence d’un fait, dont le philosophe tente de déterminer les « conditions de possibilité ». À partir de là, je cite Alexis Philonenko :

    ce qui est "réel", ce qui est "vrai", ce qui est  objectif, au sens critique du terme, ce n’est pas l’être sensible, comme un ici-maintenant, mais c’est ce qui est constant, du­rable, existant dans notre connaissance. [36]

    On notera l’idée d’un réel cognitif ou intellectuel avant de souligner le paradoxe qui saute aux yeux : comment situer le lien entre le mythe, ses billevesées ou ses événements incongrus dans le cadre d’une critique de la pensée mythique si ce lien ne dépend que de l’apparence ? S’il est privé d’une objectivité propre, il tombe sous les  critiques platonicienne ou positiviste de la connaissance. Voici en guise de réponse quelques arguments de Cassirer, au moins celui de la Philosophie des formes symboliques. En premier lieu le philosophe allemand souligne que ce problème concerne bien le système des Beaux Arts et l’objectivité de la « littérature mythique », notamment quand il s’interroge en ces termes : peut-on prétendre que « le monde du mythe constitue un fait comparable aux mondes de la connaissance théorique, de l’art ou de la conscience morale ? » On peut en douter, poursuit-il dans une direction qui nous est familière maintenant,  puisque le récit mythique

    appartient dès l’origine au domaine de l’apparence, de cette apparence dont la philosophie (scientifique) doit s’écarter et s’abstraire sans cesse (…). On peut de fait considérer toute l’histoire de la philosophie scientifique comme un unique et incessant combat pour se dégager et se délivrer de cette apparence. [37]

    Mais pour comprendre comment chacune des activités de l’esprit (y compris le raisonnement scientifique) « a pu naître de l’universalité de la conscience mythique », il faut mettre en lumière la nature de « ce fondement originaire (qui) reste lui-même une énigme sans solution, et au lieu d’être considéré comme un mode particulier de processus de formation intellectuel, passe pour un chaos informe. » [38] C’est une autre dénomination de l’idée de « billevesées ». En effet, dans l’hétérogénéité, le chaos et les (apparentes) balivernes arbitraires et contingentes qu’offrent apparemment la poésie et la littérature mythique, la réflexion portant sur la « conscience mythique » découvre, comme l’affirme Schelling, cité par Cassirer, « le rationnel dans ce qui paraît irrationnel, un sens à ce qui paraît dépourvu de sens. » En conséquence, « les objections que l’irréalité du monde de la littérature mythique permettait d’élever contre l’idée d’une vérité et d’une signification des mythes disparaissent aussitôt. » [39]

    Cassirer édifie fermement les fondations de l’objectivité mythique sur une exigence de scientificité fondée sur le principe d’immanence, rejetant donc la nécessité de soulever le voile d’Isis. En effet, la proposition de Cassirer est la suivante : pour définir les conditions de possibilité du fait mythique en considérant ses expressions littéraires, on cherchera « ses lois immanentes de structure », soit, en d’autres mots : pour comprendre le mythe, il convient de chercher s’il « révèle une règle immanente, une ‘nécessité’ spécifique [40] ».

    La question va de soi : comment est-il « techniquement » possible de dégager ces lois de structure immanentes ?

    « Structuralism in Modern Linguistics », l’article au titre significatif de Cassirer paraît l’année de sa mort en 1945 dans Word, Journal of the Linguistic Circle of New York.. C’est dans le même numéro de Word que, sans dialoguer avec son aîné allemand, Lévi-Strauss a publié « L’analyse structurale en linguistique et en anthropologie ». Détail éclairant, Ernst Cassirer et Claude Lévi-Strauss utilisaient dans ce numéro une comparaison similaire en l’honneur de la linguistique, mais référée à deux moments différents de la recherche. Voici le propos du premier :

    In the whole history of science there is perhaps no more fascinating chapter than the rise of the "new science" of linguistics. In its importance it may very well be compared to the new science of Galileo which, in the seventeenth century, changed our whole concept of the physical world. [41]

    celui du second :

    La naissance de la phonologie (...) n'a pas seulement renouvelé les perspectives linguistiques. [Elle] ne peut manquer de jouer, vis-à-vis des sciences so­ciales, le même rôle rénovateur que laphysique nucléaire, par exemple, a joué pour l'ensemble des sciences exactes. [42]

    Lévi-Strauss s’est expliqué longuement, notamment dans « Les leçons de la linguistique » [43], sur la nature de cet héritage. Je rappellerai simplement - elles sont plus que connues - les considérations suivantes, parce qu’elles offrent l’intérêt de caractériser l’immanence du sens : « C’est seulement à la condition de reconnaître que le langage  comme tout autre institution sociale, présuppose des fonctions mentales opérant au niveau inconscient, qu’on se met en mesure d’atteindre, par-delà la continuité des phénomènes, la discontinuité « des principes organisateurs » (p. 30) qui échappent normalement à la conscience du sujet parlant ou pensant. La découverte de ces principes, et surtout de leur discontinuité, devait ouvrir la voie aux progrès de la linguistique, et des autres sciences de l’homme dans sa foulée. » [44]

    En guise de récréation, je remémorerai l’application lévi-straussienne de ce principe aux Beaux-Arts dans un chapitre de Regarder Ecouter Lire consacré à la menace que la règle de l’unité de temps fait peser sur l’harmonie picturale :

    La peinture renvoie donc à un problème philosophique très général auquel la théorie des nombres est déjà confrontée : « Comment mesurer toute quantité continue par une quantité discrète ? Orpoursuit Diderot, le langage illustre une situation analogue car il y a « dans les expressions des nuances délicates qui restent nécessairement indéterminée ». (…) Mais à l’inverse de ce qui se passe pour la peinture, le langage dispose d’un moyen terme : moins nombreuses que les mots qui les contiennent, les racines révèlent une continuité entre des mots discrets de la même nature (…). Ce serait donc l’invariance qui permettrait de surmonter l’antinomie du continu et du discret. [45]

    3. Du sensible à l’intelligible. La « science du concret »

    Arrivons aux récits mythiques et aux mécanismes qui les agencent en propre. Doté des instruments linguistiques, que n’ignorait pourtant pas Cassirer mais dont il ne fit pas le même usage, Lévi-Strauss s’est attaché à saisir la raison du phénomène mythique en refusant énergiquement de soulever le voile d’Isis. Récusant totalement, en effet, la nécessité « de chercher des choses derrière les choses », il ne considère que les « relations plus simples et mieux intelligibles » [46] qui permettent d’accéder aux lois synthétiques de l’esprit.

    Au départ, on l’a vu, l’homme, affronté à l’« incompréhension » du monde, tente de le rendre intelligible, de passer à sa « compréhension ». Aucun code réel (botanique, zoologique, météorologique, sexuel, etc.) n’échappe alors aux activités de découpage de discontinuités et de branchements d’unités de sens qu’effectue la pensée « sauvage » ou mythique. Les matériaux sont détachés de tous les échelons du vivant par la sensibilité et l’observation concrète (et l’imagination évocatrice, quand sont sollicités des êtres fantastiques ou merveilleux). C’est le fameux bricolage qu’a examiné La Pensée sauvage. Ces matériaux extraits de la livrée du monde, souvent des « petits détails concrets » [47] sont, dans un deuxième temps, reliés et dénaturés sous l’effet de ce que Lévi-Strauss appelle la « frénésie associative ». [48] Un exemple : dans le poème d’Apollinaire « Les Colchiques », le code théologique, via Chrétien de Troyes, est associé au code botanique qui, du coup, voit ses données empiriques devenir des « figures de pensée » :

    Nous avons d’abord demandé à l’anatomie et à la physiologie du Colchique l’explication du qualificatif « mères filles de leurs filles » qu’Apollinaire leur applique. (…) Enfin, nous nous sommes attaché  à restituer ce qu’on pourrait appeler le contexte ethnographique de ces figures de pensée (….) ; il s’agit en l’occurrence de spéculations ésotériques dont l’énigme, comme genre, représente la menue monnaie, et de mystères théologiques progressivement laïcisés par la poésie savante, la littérature courtoise et le langage des naturalistes. [49]

    Les figures naturelles ou sur-naturelles, et venues de domaines entre lesquels l’expérience peut ne suggérer aucune connexion sont ainsi mises en ordre, transformées et élevées, par « construction transcendantale » [50], à la dignité de symboles, ces outils constitutifs des « schèmes d’interprétation » [51], socles de la connaissance mythique et de son effort « spéculatif ». [52] C’est dans cette perspective que l’on comprendra cette phrase essentielle, particulièrement nette dans son refus de l’interprétation herméneutique : en bricolant sur les figures qu’il associe « le mythe subordonne la structure à un sens dont elle devient l’expression immédiate ». [53]

    Pour peu que l’on accepte cette conception des constructions symboliques définissant le rôle dévolu aux mythes, on se donne les moyens de mieux aborder deux problématiques délicates. Tout d’abord, cette vision du symbole comme effet d’une élaboration esthétique et intellectuelle se distingue entièrement des conceptions où l’interprétation est déterminée par avance (sexuellement, imaginairement, moralement, etc.). Aucun contexte de sens ne saurait être privilégié : le symbole n’est pas motivé par un signifié invariable. Pas de sens du sens !

    Récusée, donc, la prééminence accordée à la violence par René Girard. On sait que, pour l’auteur de La Violence et le sacré [54], le sémantisme commun à toutes les narrations mythiques serait l’existence d’un « mécanisme victimaires » fondé sur le thème central de la rivalité mimétique. [55] De près et de loin donne une réponse instructive par sa portée générale. La remarque de son interlocuteur (« dans les mythes que vous analysez, on est frappé par l’omniprésence de la sexualité et de son cortège de violence ») induit cette réaction de Lévi-Strauss :

    Un mythe ne traite jamais un problème (…), isolé de tous les autres. Il s’appliquera à montrer que ce problème est formellement analogue à d’autres problèmes que les hommes se posent au sujet des corps célestes, de l’alternance du jour et de la nuit, de la succession des saisons (…). La pensée mythique, confrontée à un problème particulier, le met en parallèle avec d’autres. Elle utilise simultanément plusieurs codes. [56].

    Récusée, également, la psychanalyse. L’extrait suivant de La Potière jalouse résume lumineusement le débat. Il expose le point de vue philosophique et pulsionnel, tout d’abord, qui reconnaît la force des « émotions, des bouillonnements de l’affectivité (...) ces forces torrentueuses » ; l’interprétation intellectuelle ou spéculative ensuite. Les premières « font irruption sur une scène déjà construite, architecturées par des contraintes mentales (...). Aux débordements de celles-ci, un schématisme primitif impose toujours une forme (...), ces obstacles lui [à l’affectivité] opposent une résistance, lui marquent des cheminements possibles. » [57] Il est donc aussi injuste qu’inexact de reprocher au structuralisme sa prétendue tendance à abolir la personne humaine, à se désintéresser de sa sensibilité comme des mécaniques libidinales qui la traversent.

    Récusée, enfin, l’herméneutique à la Ricœur vers laquelle je retourne une dernière fois. Concluant avec sa fameuse Finale l’examen des mythes du nord-ouest américain, l’auteur de L’Homme nu répond aux critiques que lui adressent certains philosophes : ses Mythologiques auraient « réduit la substance vivante des mythes à une forme morte, aboli le sens » et se seraient « follement évertuées à élaborer la syntaxe d’un discours qui ne dit rien. » [58] Précisément, au cours de la discussion qu’avait reproduite la revue Esprit de novembre 1963 [59], Paul Ricœur plaidait – on ne s’en étonnera pas – pour « l’interprétation philosophique des contenus mythiques, saisis à l’intérieur d’une tradition vivante et repris dans une réflexion et une spéculation actuelles », mais dans une perspective anti-structuraliste intéressante. D’un côté, la signification extraite par l’interprète, le sémantique ; de l’autre, les agencements formels, la syntaxe. Or, précisément, cette opposition à succès, distinguant sémantique et syntaxe, ne va pas de soi. Séparant ainsi le « fond » et la « forme », Paul Ricœur abandonne à la mythographie structurale la seconde pour s’intéresser exclusivement à la richesse du premier. Donné par la grâce de l’interprétation de l’herméneute, le « fond » ne peut être doté d’un sens que s’il est « sens pour soi », un « segment de la compréhension de soi », un « sens du sens » [60] fait remarquer à juste titre, pour rejeter fermement cette idée, Claude Lévi-Strauss.

    Deux remarques succinctes viennent alors à l’esprit. Rompant avec l’herméneutique freudienne, Jacques Lacan a pris fait et cause pour son collègue anthropologue. Il s’est donc élevé contre les .i.prétentions des herméneutes :

    On fait grand état de nos jours [en 1964] de ce qu’on appelle l’herméneutique. L’herméneutique n’objecte pas seulement à ce que j’ai appelé notre aventure analytique, elle objecte au structuralisme, tel qu’il s’énonce dans les travaux de Lévi-Straus. [61]

    Autre remarque : en 1929, Cassirer participe au deuxième cours universitaire de Davos resté célèbre par la confrontation qui l’oppose à Heidegger. Celui-ci veut fonder une « analytique existentielle du Dasein » et procède entre autres à une relecture radicale de Kant, en s’appuyant en particulier sur la première édition de la Critique de la Raison Pure où il voit une affirmation de la finitude de l’homme. Au contraire, Cassirer fait appel à la tradition kantienne pour définir la possibilité de vérités objectives et nécessaires. C’est une annonce des arguments opposant Ricœur à Lévi-Strauss.

    La seconde problématique s’ouvre sur le constat suivant : nés dans la zone médiane entre les figures du monde réel ou imaginaire et la pensée, les symboles – Colchiques, machine à coudre, pieds d’Oedipe, chats – construits par la spéculation mythique se « situent toujours à mi-chemin entre des percepts et des concepts » comme le dit La Pensée sauvage. [62] Cette position médiatrice fonde l’originalité du rapport établi par Lévi-Strauss entre les sciences de la nature et celles de l’esprit sur nos échelles des mondes physiques et sémiotiques. Partir des détails du sensible, du niveau de la perception, c’est-à-dire de l’objectivité naturelle, pour accéder à l’intelligibilité immanente du schème profond caractérise la « science du concret » que, depuis La Pensée sauvage, l’anthropologue veut bâtir :

    [La Pensée sauvage] était une tentative pour dépasser l’opposition, devenue classique dans la philosophie occidentale, entre l’ordre sensible et celui de l’intelligible. Si la science moderne a pu se constituer, c’est au prix d’une rupture entre les deux ordres, entre ce qu’au XVIIe siècle on appelait les qualités secondes – c’est-à-dire les données de la sensibilité : couleurs, odeurs, saveurs, bruits, textures – et les qualités premières non tributaires des sens, qui constituent la vraie réalité. [63]

    Je renvoie à ce sujet aux idées développées et illustrées d’études concrètes par Jean Petitot, dans Morphologie et Esthétique, notamment à la mise en lumière de « la montée morpho-sémiotique goethéenne et son parcours génératif inversé. ». [64]L’étude des « Colchiques » d’Apollinaireest exemplairepar son aspect ramassé et densede cette « montée » du sensible :

    Chez Colchicum autumnale, (…) des facteurs de confusion contrebalancent plusieurs sortes de décalages : un décalage vertical caractérise le mode de fécondation, un décalage horizontal le mode de reproduction. A ces deux décalages d’ordre spatial, un troisième se joint dans l’ordre temporel puisque la fleur d’un même plant apparaît huit ou neuf mois avant les feuilles.

    vers l’intelligible : « Or, ce dernier trait suffirait à lui seul pour éclairer l’épithète ‘mères filles de leurs filles’ » [65] et pour autoriser à dégager le « schème d’interprétation » déjà évoqué.

    Ce bref passage témoigne de l’idée morpho-dynamique qui, assimilant le concept de forme naturelle à celui de « structure en transformation », fonde la conception du sens qui oriente l’anthropologie et la mythologie structurales :

    Il existe en effet une relation très étroite entre la notion de transformation et celle de structure, qui tient une si grande place dans nos travaux. (…) Aucune science ne peut, aujourd’hui, considérer les structures relevant de son domaine comme se réduisant à un arrangement quelconque de parties quelconques. N’est structure que l’arrangement répondant à deux conditions : c’est un système régi par une cohésion interne ; et cette cohésion, inaccessible à l’observation d’un système isolé, se révèle dans l’étude des transformations, grâce auxquelles on retrouve des propriétés similaires dans des systèmes en apparence différents. [66]

    On l’a déjà entrevu en évoquant Caillois, la tradition occidentale connaît une conception de l’accès à une nature suprasensible et inaccessible que l’on peut appeler « perception esthétique », différente bien entendu de la perception usuelle. Dans sa Critique de la faculté de juger (CFJ), Kant théorise la différence entre ces deux approches de la nature. « On peut décrire ainsi la sublime », affirme Kant, « c’est un objet (de la nature) dont la représentation détermine l’esprit à concevoir le fait que la nature est inaccessible en tant que représentation des idées. » [67] Un exemple ne sera pas inutile. Pour percevoir l’océan comme sublime, il ne faut pas le regarder dans une perspective géographique ou météorologique, « il faut au contraire être à même de trouver sublime l’océan », dit le philosophe, « comme le font les poètes et d’après le spectacle qu’il offre au regard : quand, par exemple, il est calme  (…) ou, s’il est agité, comme un abîme menaçant de tout engloutir. » [68] On trouve un relais non structuraliste – ce qui souligne puissamment l’originalité lévi-straussienne – dans l’« esthétique généralisée » que Roger Caillois a exposée dans un ouvrage du même nom :

    c’est la nature, et la nature seule, qui est créatrice de beauté et d’art, les mêmes structures naturelles produisant le décor, c’est-à-dire le plaisir esthétique. À ses yeux, l’art ne faisait qu’obéir à la loi organique de la nature qui est un art immanent aux formes. [69]

    4. Hymne à la littérature

    On peut aborder le dernier mouvement de ce propos et tenter, avec les acquis des développements précédents de répondre à l’une des questions qui orientaient ces lignes : quelle est la validité de la littérature aux yeux de l’auteur de La Potière jalouse ?

     Elle est, bien entendu, objet de passion et non de raison. Rousseau, par exemple,  l’embrase et, chez Balzac, le fantastique urbain suscite son émotion. Mais, en tant qu’objet scientifique, la nature ainsi que les arts sont des expériences de connaissance. Non en raison des contenus qu’ils portent, mais à cause de l’élaboration que tout art – on pense à l’art littéraire – suppose, on en a vu les modalités dynamiques, structurales et, donc, à cause de leur fonction cognitive ou « spéculative ». Cette puissance inégalée anime la littérature inspirée par la pensée des mythes. Lévi-Strauss lui-même a clairement affirmé cette supériorité :

    Pourtant cette première expérience [celle des Structures élémentaires de la parenté] était insuffisante parce que, dans le domaine de la parenté, les contraintes ne sont pas d’ordre purement interne, je veux dire qu’il n’est pas certain qu’elles tirent exclusivement leur origine de la structure de l’esprit (…), c’est précisément dans le domaine de la mythologie, là où l’esprit semble le plus libre de s’abandonner à sa spontanéité créatrice, qu’il est intéressant de vérifier s’il obéit à des lois. [70] 

    Mais, précisément, parce que ces arts, tous les arts, sont des objets de connaissance, des outils de compréhension, ils « satisfont » l’esprit et son besoin de comprendre, ils sont d’authentiques sources émotionnelles. L’esthétique de Lévi-Strauss pense donc, de manière fortement ajustée, sentiment du Beau et connaissance, émotion esthétique et perception des rapports. Ce point de vue a été regardé par d’illustres prédécesseurs : 

    Au début de l’article « Beau », paru en 1751, dans le premier volume de l’Encyclopédie, Diderot annonce qu’il va résoudre le problème  de la nature du Beau devant quoi échouent tous ses devanciers. (….) : le Beau consiste en la perception de rapports. Quels rapports (…) entre tous ces rapports lesquels fondent la notion du Beau ? [71] 

    Plusieurs siècles avant Diderot, les clercs médiévaux faisaient de l’allégorisme généralisé une source insondable de plaisirs intellectuels et émotionnels :

    Saisir le sens d’une allégorie, c’est saisir un rapport de convenance et jouir esthétiquement de ce rapport, avec l’appoint de l’effort interprétatif. (…) L’homme du Moyen Age est fasciné par ce principe. Comme l’explique Bède le Vénérable, les allégories aiguisent l’esprit, ravivent l’expression et rendent le style orné. [72]

    Bref, la compréhension, sous d’improbables transformations, des relations invariantes structurant le sens des œuvres artistiques répond au besoin de l’intellect et fonde une véritable « volupté intellectuelle ». [73]

    Cependant tous les arts ne sont pas équivalents et la littérature, dans la conception lévi-straussienne des Beaux-Arts, occupe une place prééminente. Elle le fait, en premier lieu, par sa dimension intemporelle et inaliénable. Rapportés à l’histoire, en effet, les textes scientifiques sont  passagers, inévitablement menacés de péremption (l’œuvre d’Archimède est dépassée), susceptibles d’être résumés et traduits ; les textes littéraires, eux, sont immortels et, si l’on peut dire, « intouchables » : ce sont « des sanctuaires dévolus à la permanence ». [74] En second lieu, elle tient cette place élevée dans la mesure où elle engage, on vient de le voir, plus d’opérations intellectuelles et moins de sensibilité a priori :

    « lire » est d’emblée, à l’inverse de « regarder » et « écouter », une opération d’intellection qui n’engage que secondairement la sensibilité (sinon par les sons de la langue). On comprend dès lors les prédilections de Lévi-Strauss et les modèles littéraires qu’il mobilise dans son œuvre. [75]

    Dans la perspective ouverte par cette dernière phrase, on peut considérer, maintenant, les effets que les « prédilections » de Claude Lévi-Strauss suscitent sur sa vision de la beauté littéraire. La satisfaction de l’esprit et de l’émotion née de la mise en lumière de l’invariance des formes d’intelligibilité par rapport à la diversité du sensible conduit à une hiérarchie des œuvres. En d’autres mots, le degré de structuration morpho-logique et de méfiance vis-à-vis de la prétention subjective de l’écrivain conduit à assigner une place de choix, ou non, dans l’échelle des faveurs lévi-straussiennes. Il n’est donc guère étonnant que l’anthropologue s’élève contre la critique littéraire nommée à tort « structuraliste » qui se nourrit d’œuvres sans intérêt :

    Il [le mot de structure] me semble être victime d’une supercherie intellectuelle quand on prétend, (….) en choisissant des productions indigentes pour objets d’étude, les mettre au rang de chefs-d’œuvre (…) Ce prétendu structuralisme n’est en fait qu’un alibi offert à la médiocrité. [76]

    La beauté morphologique est donc le critère cognitif, émotionnel et esthétique majeur. Sa présence voluptueuse dans les mythes, puis dans les textes mythico-littéraires nimbe, avec une certaine nostalgie, le processus historique qui conduit à l’incontestable dégradation de ces textes aux fermes opérations structurantes en genre romanesque et, état particulièrement délabré, en roman-feuilleton : « Le feuilleton rejoint les formes les plus basses du mythe, qui sont elles-mêmes une première ébauche de la création romanesque dans sa prime fraîcheur et son originalité ». [77]

    Pour boucler la boucle et revenir d’un mot de conclusion aux deux questions initiales, laissons à la prose de Claude Lévi-Strauss le soin de montrer combien sa consécration comme écrivain n’invalide pas la profondeur de sa réflexion scientifique quand elle s’applique aux faits littéraires :

    Le héros du roman, c’est le roman lui-même. Il raconte sa propre histoire : non seulement qu’il est né de l’exténuation du mythe, mais qu’il se réduit à une poursuite exténuante de la structure, en deçà d’un devenir qu’il épie au plus prés sans pouvoir retrouver dedans ou dehors le secret d’une fraîcheur ancienne, sauf, peut-être en quelques refuges où la création mythique reste encore vigoureuse, mais alors et contrairement au roman, à son insu. [78]

    Notes

    [1] Claude Lévi-Strauss, Œuvres, Préface de V. Debaene, F. Keck, M. Mauzé et M. Rueff, Paris, Gallimard, Coll. « Bibliothèque de La Pléiade », 2008, p. xxvi.

    [2] Au-delà du structuralisme : six méditations sur Claude Lévi-Strauss, Bruxelles, Éditions Complexe, 2008, p. 105.

    [3] Claude Lévi-Strauss, Œuvres, Préface, ibid.,p. xxiv. Ces lignes  évoquent l’« Éloge historique de Lacépède, lu le 5 juin 1826 » par Cuvier.

    [4] L’Homme, vol. 2, 1962, p. 1-21, p. 1.

    [5] Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Essai sur l’imagination constituante, Paris, Seuil, 1983, p. 14.

    [6] Le Regard éloigné, Paris, Plon, 1983, p. 291-299.

    [7]  « Une peinture méditative », dans Le Regard éloigné, ibid., p. 327-331.

    [8]  Luc Brisson, Introduction à la philosophie du mythe, Paris, Vrin, 1996, p. 38.

    [9] La République, 380a-381b.

    [10] Paris, Puf, Coll. « Quadrige », p. 3-5.

    [11] Ibid., p. 2.  Voir également, Lambros Couloubartsis, Aux Origines de la philosophie européenne, De la pensée archaïque au néoplatonisme, Bruxelles, De Boeck, Coll. « Le point philosophique », 2003. Cette remarque retient notre attention : « « Poète et dramaturge [Platon] nous a légué un monument littéraire qui, indépendamment même de sa valeur philosophique, garde toute sa puissance de séduction. » p. 215.

    [12] La Poétique, trad. R. Dupont-Roc et J.  Lallot, Paris, Coll. « Seuil Poétiques », 1980.

    [13] Poétique et création littéraire en Grèce ancienne. La découverte d’un nouveau monde, Besançon, PU de Franche-Comté, 2009,p. 64. L’auteur le reconnaît : « thaumaston, (est un) mot difficile à traduire. » On « pense inévitablement au ‘merveilleux’ épique, mais le mot a été introduit au chapitre 9, à propos des meilleurs mythoi tragiques, définis comme ceux dont les événements « se produisent contre toute attente, mais selon un enchaînement logique. » p. 81.Voir, à ce sujet, Jonathan Lear, Katharsis, dans Essays on Aristotle’s Poetics, Amelie Oskenberg Rorty (ed.), Princeton, Princeton University Press, 1992, p. 315-340.

    [14] Le Mythe et l’homme, Paris, Gallimard, 1938 (1967), p. 17 et p. 19 pour ces citations.

    [15] Guide en la matière, l’ouvrage de Pierre Hadot, Le Voile d’Isis. Essai sur l’histoire de l’idée de Nature, Paris, Gallimard, NRF, Coll. « essais », 2004.

    [16] Ibid., p 16.

    [17] Ibid., p. 50.

    [18] Ibid., p. 52.

    [19] Ibid., p. 56 et p. 57.pour ces deux citations.

    [20] Art et beauté dans l’esthétique médiévale, trad. M. Javon, Paris, Grasset, 1997,  p. 91.

    [21] Pour une première approche, lire Michel Zink, « Allégorie et exégèse : les quatre sens de l’Ecriture », dans La littérature européenne du Moyen Âge, Paris, Puf, CoLL « Premier cycle », 1992, p. 230-233.

    [22] De Incarnatione Rhythmus Christi Perelegans, Migne(PL), Paris, 1855, CCX, 419, p. 579. Commentaire intéressant de Winfield Rudolf, « The Spiritual Islescapes of the Anglo-Saxons » dans The Sea and Englishness in the Middle Ages. Maritime Narratives Identity and Culture, Sebastian Sobecki (ed.), Oxford, D. S. Brewer, 2011, p. 31-57, p. 38.

    [23] Archives d’Histoire Doctrinale et Littéraire du Moyen Age, 24, 1958, pp. 35-100 (repr. dans Lectio philosophorum. Recherches sur l’Ecole de Chartres. Amsterdam,  Hakke, 1973). Voir également les études de Peter Dronke, notamment, « Integumenta Virgilii », dans Lectures médiévales de Virgile, Actes du colloque organisé par l’Ecole française de Rome (25-28 octobre 1982), Collection de l’École française de Rome, 80. Rome, 1985, p. 313-329 ainsi que Fabula. Explorations into the Use of Myth in Medieval Platonism, Leiden, E. J. Brill, 1974.

    [24] Nous traduisons : « L’integumetnum est un type de démonstration qui enveloppe, sous la narration fabuleuse, le sens de la vérité, d’où également son nom d’involucrum. » Nous citons l’édition de J. W. et E. F. Jones, The Commentary of the First Six Books of the Aeneid of Virgil commonly attributed to Bernardus Silvestris. Lincoln, University of Nebraska Press,1977, 18-20. Pour les considérations éditoriales, les précisions bibliographiques, une présentation des « poèmes allégoriques latins du XIIe siècle » et, plus précisément, de « l’allégorisme de Bernard Silvestris », voir Marc-René Jung, Etudes sur le poème allégorique en France au moyen âge, Berne, Francke, Coll. « Romanica Helvetica », 82, 1971, p. 60-64.

    [25] Comme le fait, précise l’article de Jeauneau, Jean de Salisbury dans le Polycraticus (VIII, 24).

    [26] « inuolucrum, i : A wrapper, cover, case, envelope. b) (transf. and fig.): in oratione Crassi diuitias atque ornamenta eius ingeni par quaedam -a atque integumenta perspexi Cic. de Orat. I. 161. » Oxford Latin Dictionary, 1968, 962c.

    [27] Archives d’Histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age,XXII, 1955, p. 75-79.

    [28] Ibid., p. 77.

    [29] Ibid., p. 78.

    [30] Paris, Seuil, Coll. « L’Ordre philosophique », 1965.

    [31] Ibid., p. 39.

    [32] Ibid., p. 56 et p. 57.

    [33] Ibid., p. 59.

    [34] Naissance de l’herméneutique, éd. S. Mesure, trad. D. Cohn et E. Lafon, Paris, Le Cerf, 1995.

    [35] Ibid., p. 292. Cette perspective a été regardée avec une focale plutôt philosophique par L’Herméneutique du sujet, où Michel Foucault déclare vouloir dégager les termes plus généraux du problème « sujet et vérité » et son point de départ, dit-il, est la notion du « souci de soi-même » qu’il distingue nettement du « connais-toi toi-même ».  Cours au Collège de France, Paris, Seuil/Galllimard, 2001.

    [36] Alexis Philonenko, L’Œuvre de Kant, Paris, Vrin, t. 1, 1983, p. 106.

    [37] La Philosophie des formes symboliques, 2. La pensée mythique, trad. J. Lacoste (1953), Paris, éd. de Minuit, Coll. « Le sens commun », 1972, p. 7.

    [38] Ibid.,  p. 9

    [39] Ibid., p. 19 et p. 30.

    [40] Ibid. p. 18 et p. 30. Cette position était annoncée dès l’introduction : « les problèmes génériques ne peuvent fournir d’eux-mêmes leur solution (….), ils ne peuvent être résolus qu’à la condition d’être étroitement unis aux ‘problèmes structuraux’ ». p. 9.

    [41] « Structuralism in Modern Linguistics », Word, 1945, p. 97-120, p. 97.

    [42] « L’analyse structurale en linguistique et en anthropologie », Word, 1945, p. 1-21, p. 39 (rep. Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1974, p. 37-62).

    [43] Dans Le Regard éloigné, op. cit., p. 191-201.

    [44] Ibid., p. 196.

    [45] « En lisant Diderot », p. 74-75.

    [46] « Les Leçons de la linguistique » dans Le Regard éloigné, op. cit., p. 192.

    [47] « J’attache au contraire une attention presque maniaque à tous les détails concrets. » De Prés et de loin, Entretiens avec Claude Lévi-Strauss par Didier Eribon, Paris, Odile Jacob, 1988, p.157.

    [48] La Pensée sauvage, Paris, Plon, Coll. « Agora », 1962, p. 25.

    [49] « Une petite énigme mythico-littéraire », op. cit., p. 296.

    [50] La Potière jalouse, Paris, Plon, 1985, p. 80.

    [51] « Une petite énigme mythico-littéraire », op. cit., p. 297.

    [52] L’Homme nu use de ce qualificatif pour comparer la musique et la mythologie. Toutes deux offrent une « forme spéculative, chercher une issue à des difficultés constituant à proprement parler son thème. » Paris, Plon, 1971, p. 590.

    [53] Ibid.,  p. 581.

    [54] Paris, Bernard Grasset, Coll. « Pluriel », 1972. Voir également Violent Origins  Walter Burkert, René Girard, and Jonathan Z. Smith on Ritual Killing and Cutlural Foundation, R. Hamerton-Kelly (ed.), Palo Alto, Stanford University Press, 1987.

    [55] Lire, entre autres, Des Choses cachées depuis la fondation du monde, Paris, Bernard Grasset et Fasquelle, Coll. « Le livre de Poche essais », 1978, p. 18.

    [56] De prés et de loin, op. cit., p. 194-195.

    [57] Paris, Plon, 1985, p. 264-265. Quelques lignes avant, on pouvait lire une critique de la « primauté du désir » contre lequel s’élève « le besoin de soumettre des termes surgis dans le désordre à une discipline grammaticale. » p. 257.

    [58] L’Homme nu, Paris, Plon, 1971, p. 571.

    [59] « Structure et Herméneutique », dans Esprit, 1963, 322, p. 596-627.

    [60] Ibid., « « Réponses à quelques questions »,p. 628-653,  p. 637 pour ces citations.

    [61] Séminaire. Livre XI. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1964, p. 141.

    [62] Ibid., p. 32.

    [63] De prés et de loin, ibid., p. 155.

    [64] Paris, Maisonneuve et Larose, Coll. « Dynamique du sens », 2004, p. 65-68.

    [65] Ibid., p. 294.

    [66] « Leçon inaugurale », Anthropologie structurale deux, Paris, Plon, 1958, p. 28. Peut-être sera-t-on étonné de la généalogie que Lévi-Strauss revendique pour cette idée de la structure : il ne l’a empruntée « ni aux logiciens, ni aux linguistes. Elle me vient d’un ouvrage qui a joué pour moi un rôle décisif et que j’ai lu pendant la guerre aux Etats-Unis : On Growth and Form (…) de Darcy Wentworth Thompson (…). Derrière Thompson, il y avait la botanique de Goethe, et derrière Goethe, Albert Dürer avec son Traité de la proportion du corps humain. » De prés et de loin, p. 158-159.

    [67] CFJ, F. Alquié (dir.), Paris, Gallimard, Coll. « Folio essais », 1985, § 29 (« Remarques générales »), p. 211.

    [68] CFJ, ibid., p. 215.

    [69] Cité par P. Hadot, op. cit., p. 223-224.

    [70] « Réponses quelques questions », op. cit., p. 630.

    [71] Regarder Ecouter Lire, op. cit., p.77.

    [72] U. Eco, Art et beauté dans l’esthétique médiévale, op. cit., p. 97.

    [73] La Potière jalouse, op. cit., p. 265. Cette affirmation conclut la jolie étude de Un Chapeau de paille d’Italie de Labiche, qui conduit Lévi-Strauss à dégager le schème ou « l’ensemble de règles destinées à rendre cohérents des éléments d’abord présentés comme incompatibles ». L’auteur atteint un « résultat (qui) contentera d’autant mieux l’esprit que les opérations auront été plus complexes et qu’elles auront requis plus d’ingéniosité. » Ibid.

    [74] Peut-on lire dans la préface de Claude Lévi-Strauss, Œuvres, ibid., p. xxvi.

    [75] Ibid., p. xxviii.

    [76] L’auteur poursuit : « Si j’entreprends l’analyse structurale d’une œuvre littéraire, je choisis un poème de Baudelaire, non les paroles d’un chansonnier. » De prés et de loin, op. cit., p.228.  

    [77] Ces citations viennent de L’Origine des manières de table, Paris, Plon,  p. 105.

    [78] Ces citations successives sont extraites de L’Origine des manières de table, Paris, Plon,1968,p. 105.



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