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  • Mito y poder en las sociedades contemporáneas
    Mythe et pouvoir dans les sociétés contemporaines
    Mabel Franzone - Alejandro Ruidrejo (dir.)

    M@gm@ vol.11 n.2 Maggio-Agosto 2013

    POLITIQUE / POÏÉTIQUE : LE POUVOIR PERFORMATIF DES MYTHES DANS LES LITTÉRATURES CONTEMPORAINES DE L’IMAGINAIRE


    Laurent Bazin

    laurent.bazin@uvsq.fr
    Maître de Conf. Univ. de Versailles Saint- Quentin-en-Yvelines ; Spécialiste de littérature Française du XXe siècle. Thèmes de recherche : histoire des idées et des formes, paralittératures et littérature pour la jeunesse, didactique de la littérature.

    « C’est une histoire interminable et sans intérêt. Sachez qu’il n’y a  rien à voir, à part un vieillard qui divague dans son fauteuil roulant, mais qui affirme avoir perçu le front des mythes, ces lignes énergétiques que diverses croyances ont superposé à la réalité. » (McDonald : 450)

    « Dans la psychè d’un homme en crise, la conscience universelle s’effondre. Les mythes prennent le pouvoir et la crise devient universelle. » (Lehman, Colin, T3 : 15)

    Dans le grand champ des récits de fiction les paralittératures ne bénéficient pas toujours du plus grand crédit institutionnel, tant la prégnance de l’héritage culturel et une certaine tradition scientifique tendent à déconsidérer des œuvres doublement suspectes par leur objectif (l’évasion érigée en principe de plaisir) et leur public (dit « populaire », donc relevant de la culture de masse). Pour autant de telles productions peuvent être tenues pour éminemment représentatives des représentations collectives, précisément parce que la variété des formes qui y sont convoquées (merveilleux, fantastique, fantasy ou encore science-fiction) y est en prise directe avec une théorie de l’imaginaire qui en constitue le soubassement latent (esthétique autant qu’idéologique). On ne s’étonnera pas alors d’y trouver, peut-être encore plus qu’ailleurs, une teneur mythologique particulièrement prégnante - résurgence de grands mythes fondateurs ou déploiement de mythes nouveaux - qui nourrit le tissu narratif d’une charge symbolique puissante, chargée de corréler sur un mode dialectique les interactions complexes de l’Histoire et de la fable.

    On s’intéressera ici à une catégorie très particulière de récits en relevant, dans le champ éditorial contemporain, un ensemble d’œuvres dont le propos est de mettre en scène la fonction mythologique en en faisant l’objet même de leurs récits. Emergeant à plusieurs catégories littéraires en jouant de l’ambiguïté de leurs codes, ces romans constituent de surprenantes variations spéculaires sur la force performative des mythes dont ils incarnent, au sens littéral du terme, la conception qu’en ont les personnages jusqu’à leur irruption dans leur quotidien. De plus, et de façon non moins étonnante, cette mise en abyme du pouvoir de la mythologie y est chaque fois corrélée à une analyse du pouvoir en tant que structuration politique, la mise en scène de l’imagination poïétique s’adossant à une réflexion critique sur les mécanismes de domination et/ou de soumission qui subordonnent les individus. L’objet de cette étude sera ainsi : d’abord, de dresser une cartographie analytique de cet ensemble original en mettant en évidence la figuration qui y est donnée de la capacité du mythe à irriguer les représentations collectives ; puis de mettre au jour les liens qui s’y tissent entre le pouvoir des mythes et le pouvoir tout court en y lisant quelques-unes des interrogations de fond qui traversent les sociétés contemporaines.

    Pouvoir des mythes

    Quelques mots d’abord sur le corpus, qu’on peut faire commencer avec le cycle dit des Mythagos, de Robert Holdstock, paru entre 1984 et 1997. Ce vaste ensemble romanesque, comprenant notamment La Forêt des mythagos, Lavondyss, Le Passe-Broussailles, La Porte d’Ivoire et La Femme des neiges, met en scène une forêt millénaire, le bois de Ryhope, traitée comme un univers parallèle où s’incarnent en êtres réels les représentations nées de l’inconscient collectif des sociétés qui s’en sont approchées. Exposée à travers le prisme de ses défricheurs, la famille des Huxley qui en explore les facettes de façon à la fois concrète (en en arpentant chaque recoin au gré des différents épisodes) et scientifique (en théorisant son mode de fonctionnement dans le cadre de digressions à mi-chemin de la psychanalyse et de l’anthropologie), la forêt est présentée comme un terrain d’aventure autant que comme un lieu de création psychique : un territoire privilégié d’invention narrative, avec force péripéties propres aux univers de fantasy, mais aussi un catalyseur d’imaginaire où les ethnologues en herbe testent l’hypothèse de lieux privilégiés permettant aux civilisations successives de cristalliser leurs projections mythologiques dans des créatures dépositaires de leurs élans fantasmatiques.

    « Dans ces anciennes forêts, ces forêts primordiales, la combinaison [des auras humaines] engendre quelque chose d’infiniment plus puissant et devient une sorte de champ créatif susceptible d’entrer en interaction avec notre inconscient. Et c’est dans l’inconscient que nous détenons ce qu’il appelle le pré-mythago, autrement dit Imago Mythi, l’image de la forme idéale que pourrait revêtir une créature mythique. Cette image accumule la substance du milieu naturel pour créer de la chair, du sang, des vêtements et des armes. La forme du mythe idéalisé, l’aspect du héros, se transforme au fur et à mesure des changements culturels et adopte une identité en rapport avec l’époque. » (Holdstock 2004 : 75).

    La thèse avancée est ainsi que le mythe ne se donne pas seulement sur le mode de motifs imaginaires, mais relèverait d’un processus psychologique complexe capable de concrétiser les rêves et les désirs individuels en formes assorties de contenus engageant la totalité de l’humain à l’échelle d’une collectivité toute entière. Remarquons toutefois que la juxtaposition des points de vue narratifs dialectise un tel postulat, dans la mesure où l'ambivalence qui s’installe entre les champs de perception fait qu’il devient difficile de trancher quant au statut de tels lieux primordiaux (magiques ou bien mentaux), donc sur la nature du processus mythologique (performatif ou bien poïétique, selon qu’on se place d’un point de vue diégétique ou énonciatif). Pour le dire autrement, le roman exploite l’ambiguïté constitutive de sa construction esthétique pour laisser planer une relative incertitude sur le sens qu’il convient de lui donner – plaidoyer d’anthropologie constructiviste pour une revalorisation de la pensée magique, ou bien réflexion spéculaire sur les pouvoirs de la fiction.

    Une telle oscillation entre nature et culture se retrouvera dans toutes les autres œuvres, qui déploient pareillement des univers où le mythe ne relève pas seulement de l’ordre du discours et/ou de la pensée mais trouve à s’incarner dans des figures intrusives qui envahissent la réalité quotidienne des personnages. C’est le cas par exemple dans King of Morning, Queen of Day, de Ian McDonald : organisé comme un patchwork multi-générationnel combinant les temporalités et les modalités narratives (journaux intimes, correspondance épistolaire, narrations à voix multiples), le texte fait se côtoyer sans trancher entre eux les points de vue structurellement divergents d’Emily, adolescente donnant foi aux vieux mythes irlandais ; de son astronome de père tentant au contraire de proposer une explication rationnelle du merveilleux ; de l’enfant d’Emily, écartelée entre mythologie et mythomanie ; d’un psychologue tentant de comprendre les mécanismes de ce qu’il appelle la « mytho-conscience » ; ou encore d’une de leurs descendantes luttant contre des avatars incarnant le renouvellement des archétypes dans les sociétés modernes. Ecartelé entre ces différentes positions qui emblématisent chacune une façon de donner vie à l’imaginaire collectif sans jamais l’y restreindre, le roman met en scène la propension de l’esprit à produire du mythe de façon si convaincante qu’il en devient réel. C’est ce qu’incarne dans le récit le motif du Mygmus, sorte de matrice psychique où se cristallisent puis se concrétisent les aspirations humaines au gré des conflagrations de l’Histoire précipitant les passions individuelles dans une imagerie collective dotée du même statut ontologique que leurs concepteurs : les « phages », « manifestations des archétypes fondamentaux de l’histoire et des légendes locales » (MacDonald 2012 : 312). A la différence du monde des Mythagos de Holdstock régi par la toute-puissance de la forêt primitive, le « front des mythes », à savoir le « courant d’énergie psychique que l’imagination et les histoires des hommes ont superposé au fil des générations à notre environnement physique » (Idem : 312), demande pour devenir opératoire l’intermédiaire de passeurs capables de « matérialiser la réalité en manipulant les symboles et les mythes de notre subconscient collectif » (Idem : 256-257). Cette référence au monde de la prêtrise et de l’initiation, qui renvoie à la structuration des sociétés primitives autour de la notion fondatrice de mystères collectifs, peut bien sûr être lue aussi comme une apologie de la création artistique dotée d’un semblable pouvoir de cohésion sociale. Mais le récit ne s’en tient pas à un seul levier d’exégèse, allant jusqu’à proposer en parallèle aux lectures artistiques ou psychanalytiques une interprétation scientifique puisant dans la physique quantique une théorie de la pensée juxtaposant dans un présent paradoxal l’ensemble des états de la mytho-conscience (Idem : 430-433).

    A ces deux œuvres emblématiques viendront par la suite s’ajouter, au fil des choix esthétiques et des parti-pris éditoriaux, un ensemble de textes d’obédiences diverses, touchant plusieurs publics à mi-chemin de la littérature générale et des littératures de jeunesse et d’adolescence. C’est le cas de American Gods, de Neil Gaiman, qui met en scène un vaste panthéon de divinités censées être arrivées au Nouveau Monde en même temps que les immigrants venus du monde entier, puis déclinant au profit de nouveaux dieux au fur et à mesure qu’évoluent les croyances originelles. Le roman se donne ainsi comme une parabole philosophique moulée dans les contours d’un road-movie à mi-chemin entre réalisme et fantastique, intégrant avec la même veine spéculative que ses prédécesseurs l’hypothèse de la valeur performative des mythologies universelles : penser le mythe c’est le vivre, à savoir stricto sensu lui donner vie et forme et donc, à l’échelle collective, en reconnaître la fonction de ciment civilisationnel. C’est en somme accorder au symbole une créance si forte qu’il en devient « un objet » (Gaiman 2012 : 548) :

    « L’homme peuple les ténèbres de fantômes, de dieux, d’électrons, de contes. L’homme imagine, l’homme croit, et c’est sa foi, cette foi inaltérable, qui déclenche les événements. » (Idem : 548).

    Le même principe régit le cadre diégétique comme l’intrigue de la trilogie Aerkaos, de Jean-Michel Payet. Le héros adolescent y découvre un emboîtement d’univers nés de l’imagination de chaque individu, selon le principe simple qu’il suffit de concevoir un récit, une légende ou un mythe pour leur donner vie en tant que monde rendu possible :

    « Lorsque quelqu’un, quelque part, imagine une histoire, un poème, un chant, lorsqu’il crée un personnage, qu’il conçoit un décor, noue une intrigue, déjà, il enclenche le processus. C’est à ce moment précis qu’un monde se crée. Un monde nouveau, avec ses règles, ses lois, ses possibilités et ses interdits. Et ce monde existe et croît selon sa logique propre. » (Payet 2007, T3 : 225).

    On pourrait encore citer, dans le même esprit, le roman Dogland de Will Shetterly, où le panthéon mythologique d’American Gods est passé au prisme d’un regard d’enfant; la série de bande-dessinée La brigade chimérique, de Lehman et Colin, où le regard scientifique d’une Marie Curie est convoqué pour transformer « la psychologie en physique » (Lehman, Colin, T3 : 44) et justifier ainsi l’apparition de « pulsions psychiques matérialisées » (Idem : 21) sous la forme de super-héros mythiques nés de la mentalité collective pour mieux concrétiser les traumatismes de la Première Guerre Mondiale ; la trilogie de Cornelia Funke, Tinterwelt, où c’est cette fois la lecture qui déclenche la concrétisation des mythes en les aspirant dans notre réalité où ils s’incarnent à part égale avec les protagonistes ; Le Collectionneur d’horloges extraordinaires, de Laura Gallego Garcia, dont le héros croise les divinités des mythologies antiques au gré de ses pérégrinations dans une mystérieuse cité qui s’avère être le reflet onirique de notre propre monde ; ou encore Le Livre des choses perdues, de John Connolly, dans lequel un adolescent affronte ses propres angoisses sous la forme d’entités incarnant dans un univers parallèle l’ensemble des contes et mythes dont fut bercée son enfance.

    Mythes et pouvoir

    Par delà leurs différences et leurs spécificités respectives compte tenu notamment des différents publics auxquelles elles sont destinées, de telles œuvres témoignent dans leur récurrence de ce qu’on pourrait appeler le motif obsessionnel de la fonction performative des mythes, autrement dit cette propension de l’imagination de produire des figures dotées de vie incarnant les rêves secrets et les aspirations cachées d’une société donnée. Mais le plus surprenant est que cette méditation sur le pouvoir des mythes se double d’une réflexion sur le pouvoir tout court, dans la mesure où le déploiement des motifs mythologiques s’accompagne dans l’ensemble de ces récits d’une mise en scène des interactions humaines placées sous le sceau d’une dialectique de la soumission et de la domination (on aurait dit autrefois : du maître et de l’esclave). A un premier niveau de lecture en effet, les romans se construisent autour de conflits entre des forces antagonistes combattant pour la maîtrise d’un objet, d’un territoire ou d’un groupe, si bien que la répartition narrative des protagonistes revient à les instituer en dominants et dominés (relation susceptible d’évoluer au fil de l’œuvre au gré des rapports de force). L’ensemble du corpus s’organise ainsi sur la base d’une tension dialectique qui prend presque systématiquement la forme d’un combat entre démocratie et dictature, les héros défendant le camp de la liberté contre la tyrannie d’un despote prétendant à la domination universelle.

    On pourra, bien sûr, lire cette confrontation des actants du récit comme une parabole à comprendre sur un double plan politique (en allégorie des grands conflits ayant marqué l’Histoire contemporaine) et métaphysique (en parabole du clivage Bien-Mal qui structure fréquemment les littératures de l’imaginaire). Mais une telle interprétation, d’autant plus plausible que les récits en suggèrent volontiers la recevabilité à coups d’indices parsemant la narration, ne vaut que pour autant qu’on la corrèle à la dimension spéculative et spéculaire qui pose la question des pouvoirs du mythe en abyme de tous les romans. Ce dont il s’agit en effet dans l’ensemble des textes du corpus, c’est moins la domination physique d’un groupe sur un autre, que sa prégnance mentale, intellectuelle autant que spirituelle. Les personnages appliquent à la lettre le programme volontariste d’un Einstein : « si le monde est une pensée, on peut agir sur lui en modifiant la croyance des foules » (Lehman, Colin, T4 : 41). Autrement dit l’enjeu premier des luttes de pouvoir est, précisément, la maîtrise du champ mythologique – la question étant d’imposer à l’autre son ensemble de codes symboliques pour mieux l’asservir à son propre système de représentations. Comme l’explique au héros de American Gods un truand à la solde du parti adverse : « tout ça c’est une histoire de paradigme dominant. Rien d’autre ne compte » (Gaiman : 64).

    C’est ainsi que, dans Aerkaos, le dictateur qui entend régenter l’ensemble des Terres Choisies, interdit les contes et les légendes, considérés comme des ferments de dissidence par rapport au code interprétatif qu’il s’efforce d’imposer, et fait pourchasser de monde en monde les derniers dépositaires du récit de Soo-Kun et Bellabelle dont la préservation nuit à la constitution de son propre mythe. Ainsi encore que les dieux du Collectionneur d’horloges extraordinaires tentent d’imposer l’intemporalité de leur mythologie à une humanité dont ils redoutent la capacité d’évolution ; ou que la Brigade chimérique du Professeur Curie essaie de contrecarrer la volonté hégémonique des mythes maléfiques animés par le Docteur Mabuse et son allié allégorique La Phalange. C’est ainsi également que l’Homme Biscornu s’efforce de dérober Le Livre des choses perdues qui porte en germe la vie psychique du héros qui en est le lecteur autant que l’écrivain, de même que les protagonistes de Mort d’encre luttent pour la maîtrise du Livre dont les histoires imposeront leur réalité à tous les personnages : dans ces univers régis par la lecture c’est en effet la force performative de la parole qui définit les rôles sociaux de chacun et engendre, aussi bien que détruit, des communautés d’appartenance qui sont identiquement des communautés de réception. Ainsi toujours que, dans Roi du matin, Reine du jour, le combat mortel qui se déroule entre la dernière des héroïnes et le peuple des phages porte sur l’adéquation des « archétypes mythiques d’un autre âge » à notre époque moderne, la question étant de savoir si les sociétés d’aujourd’hui sont capables « d’engendrer de nouveaux mythes adaptés à une époque technologique » (McDonald : 445). C’est ainsi enfin que, dans American Gods, les lignes de force de l’intrigue opposent le panthéon des divinités ancestrales aux mythes contemporains dans le cadre d’un affrontement qui engage les représentations bien plus que les individus : « ça n’aura rien d’une bataille. Tout ce qu’on affronte ici, c’est un changement de paradigme. Une grande secousse » (Gaiman : 507).

    On comprend dès lors que ce qui se joue au fond, dans cette exemplification baroque du pouvoir des mythes, c’est une réflexion sur l’évolution de notre monde contemporain et le glissement qui s’y fait jour entre des épistémès entrées en conflagration. A cet égard ce n’est sans doute pas un hasard si cette tendance des littératures de l’imaginaire a pris son essor au moment même où la philosophie contemporaine s’efforçait de poser les fondements d’une nouvelle vision du monde, avec entre autres La condition postmoderne de Jean-François Lyotard (1979) ou encore La modernité de Habermas (1981) ; tout se passe en fait comme si la fiction emboîtait le pas d’une théorie dont elle emprunte les concepts pour en faire le tissu même de sa narration. Le diagnostic, c’est l’incapacité du monde moderne à fonctionner sous le régime de métarécits impuissants à assigner un sens à l’histoire universelle ; d’où une remise en question des paradigmes traditionnels et une interrogation de plus en plus vertigineuse sur la capacité de l’esprit à penser son propre devenir. Les romans deviennent le lieu privilégié d’une réflexion sur la portée des récits, en particulier des récits mythiques, en spéculant sur leur fonctionnement dans la constitution et l’évolution des collectivités. L’œuvre dit alors, d’abord, la nostalgie d’une pensée originelle, que les anthropologues auraient dit sauvage ou encore magique : « un temps où les dieux - leur moi futur, ce qu’ils deviendraient un jour et qui n’avait alors qu’un statut de simple possibilité – vivaient littéralement parmi eux » (McDonald : 432) ; puis, dans la foulée, la tentation d’un retour aux sources, incarné dans tous ces récits par des personnages de medium chargés de renouer avec les racines d’une humanité en prise directe avec son environnement comme avec son intériorité ; puis encore, l’incapacité d’un tel modèle à lutter contre la montée en puissance d’une pensée unique de plus en plus mondialisée et inféodée aux mirages des technologies ; puis, de nouveau, le refus de la pensée de céder à la monovalence d’un modèle intégratif auquel les œuvres persistent à opposer la subversion des mythes d’antan – et ainsi de suite, dans une sorte de spirale baroque qui tout à la fois sanctionne le devenir inéluctable des civilisations sans pour autant accepter de s’y laisser réduire. A cette aune le rôle de la littérature serait de fonctionner sur le double mode de l’enchantement et de la lucidité, dans une dialectique visant à retenir le sujet des deux écueils de notre modernité, l’individualisme et le communautarisme : en somme une forme de contre-pouvoir, esthétique autant que politique, adressé en plaidoyer aux vertus de l’imaginaire comme l’une des (seules ?) façons de contrecarrer la finitude d’un monde désenchanté.

    Bibliographie

    John Connolly, The Book of lost things (Le livre des choses perdues), 2006, trad. Paris, L’Archipel, 2009.
    Cornelia Funke, Tinterwelt (Cœur d’encre – Sang d’encre – Mort d’encre), 3 Tomes, 2003-2007, trad. Paris, Gallimard Jeunesse, 2004-2009.
    Neil Gaiman, American Gods, 2001, trad. Paris, J’ai Lu, 2012.
    Laura Gallego Garcia, El coleccionista de relojes extraordinarios (Le Collectionneur d’horloges extraordinaires), 2004, trad. Paris, Seuil, 2005.
    Robert Holdstock, Mythago wood (La forêt des mythagos), 1984-1997 ; trad. Paris, Denoël, Folio SF, 2004.
    Serge Lehman, Fabrice Colin, La Brigade chimérique, 6 Tomes, Paris, L’Atalante, 2009-2010.
    Ian McDonald, King of Morning, Queen of Day (Roi du matin, Reine du jour), 1991, Paris, Denoël, Folio SF, 2012.
    Jean-Michel Payet, Aerkaos, 3 Tomes, Paris, Editions du Panama, 2007.
    Will Shetterly, Dogland, New-York, Tor Books, 1997.

     



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    M@gm@ ISSN 1721-9809
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